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PRIMITIVISME, arts

Dans l'histoire de l'art, le terme « primitivisme » renvoie en premier lieu au mouvement de célébration, par certains artistes des différentes avant-gardes du xxe siècle, de valeurs et de formes considérées comme originelles, exotiques et régénératives. Il est d'usage de situer autour de 1900 le début de l'engouement des artistes occidentaux pour des œuvres venues d'Afrique ou du Pacifique. Picasso et Matisse auraient vu pour la première fois des statuettes africaines dans l'atelier de Derain, vers 1905-1907. Ce dernier avait été marqué par la visite, en 1905, du « musée nègre » de Londres – soit les collections ethnographiques du British Museum. Or cette vogue fut préparée par les travaux des ethnologues et par le développement des musées d'ethnographie en Europe tout au long du xixe siècle. Un nouveau discours permit alors de rompre avec l'approche d'un Gottfried Semper, exemple Le Style dans les arts techniques et tectoniques (Der Stil in der technischen und tektonischen Künsten, 1860), qui enfermait l'étude des arts primitifs dans une approche techniciste, déduisant la stylisation des œuvres des procédés qui avaient déterminé leur origine. Il est possible aujourd'hui de mesurer combien le voyage, en 1895 au Nouveau-Mexique, chez les Indiens pueblos, de l'historien de l'art allemandAby Warburg, à la recherche de traits culturels archaïques persistants, constitue un jalon essentiel dans l'effort de compréhension des formes artistiques occidentales à travers celles de peuples dits « primitifs ».

À la nostalgie éprouvée pour l'innocence d'un paradis perdu s'ajoute l'insatisfaction manifeste, face à la civilisation occidentale, de Paul Gauguin, l'un des principaux initiateurs du primitivisme dans l'art moderne. La compétition oppressante avec l'image photographique joua également un grand rôle dans la recherche de modalités alternatives de représentation, empruntées à l'art japonais autant qu'aux reliefs de l'art du Pacifique. Multiples seront par la suite les formes d'emprunt à ces arts primitifs, et de mythification des sociétés qui les ont fait naître. Il s'agit de fascination chez Picasso, au-delà de l'exotisme, pour la simplification et la dislocation des formes des masques africains, de théâtralisation et d'érotisation de la création chez Ernst Ludwig Kirchner, d'une recherche d'intensité et d'unité chez Wassily Kandinsky.

Dès 1938, l'historien de l'art américain Robert Goldwater avait tenté, dans Primitivism in Modern Painting (repris en 1966 in Le Primitivisme dans l'art moderne, trad. franç., 1988), d'établir une typologie des différentes formes de primitivisme portées par les avant-gardes. Au « primitivisme romantique », édénique, de Gauguin et des fauves, aurait succédé en Allemagne le « primitivisme affectif » du mouvement Die Brücke. Au « primitivisme intellectuel » des cubistes – dont Les Demoiselles d'Avignon (1907) de Picasso serait le manifeste – s'oppose le « primitivisme du subconscient » qui rassemble les créations d'artistes aussi différents que le Douanier Rousseau, Paul Klee, Joan Miró ou Jean Dubuffet. Indissociable de l'époque coloniale, le primitivisme n'aura pas survécu au mouvement de décolonisation et à la mise à nu des idéologies qui l'avaient accompagné. Depuis les travaux de Claude Lévi-Strauss (Tristes Tropiques, 1955) et d'Edward Saïd (L'Orientalisme : l'Orient créé par l'Occident, 1978, trad. franç., 1980), à l'ère de la mondialisation, la vision des arts non occidentaux est désormais sortie du cadre mythologique qui avait servi à leur valorisation ambiguë dans la première moitié du xxe siècle.

Le terme « primitivisme » a cependant un autre[...]

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  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

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