LIÈGE PRINCIPAUTÉ DE
Le « pays de Liège » (xiiie-xve s.)
La principauté
Pour Liège, en pleine expansion, tout change au xiiie siècle. Ses évêques ne sont plus nommés par les empereurs mais, pour diverses raisons, par les papes (1238-1418). Une Église pontificale supplante donc l'Église impériale, tandis qu'au rêve d'une unité diocésaine succède la réalité de divers pays : duché de Brabant, comtés puis duchés de Luxembourg et de Gueldre, comté de Namur, etc. Ces pays tendent non à se fondre, mais à se maintenir, à s'accroître. C'est le cas du pays de Liège. La victoire qu'il remporte à Steppes, en 1213, sur le duc Henri Ier de Brabant (qui avait pillé Liège l'année précédente) le sauve pour longtemps des ambitions brabançonnes. Lorsque, après trente ans de luttes obstinées, le comté de Looz (d'où proviennent les Van Eyck) est soumis à la seigneurie directe des évêques (1366), la « principauté » de Liège trouve enfin les frontières qu'elle conservera, dans leur ensemble, jusqu'à la disparition de l'Ancien Régime.
De cette principauté, l'évêque, nanti de la plénitude des droits régaliens par Frédéric II, est prince. Mais, élu par le chapitre de la cathédrale (sous réserve de la confirmation pontificale) ou nommé directement par le pape, il n'est que prince « viager ». Dès avant 1300, le chapitre s'affirme « tréfoncier » du pays de l'épiscopat de Liège. Cependant, le chapitre non plus ne peut gérer le pays à sa guise : « chevaliers » (groupant des descendants de la noblesse et de la ministérialité et, par la suite, des bourgeois enrichis) et les villes liégeoises, liguées depuis 1229, n'entendent pas être menés contre leurs intérêts et leurs volontés. De là, ces guerres et ces « paix » qui fixent la constitution du pays. En 1316, à Fexhe, près de Liège, l'évêque Adolphe de la Marck reconnaît que la loi ne peut être modifiée sans le concours et l'assentiment du « pays », c'est-à-dire des États. Ses officiers sont soumis à cette loi. S'ils l'enfreignent, ils seront jugés et contraints. À cet effet, le Tribunal des XXII est définitivement institué en 1373. Seul, le prince est « irresponsable » (1376). Cette disposition sera reprise par la Constitution belge de 1831.
Dans cette évolution, Liège est à la pointe du combat. De telle façon qu'au terme de ce mouvement, le pays de l'épiscopat de Liège est vraiment devenu le « pays de Liège ». Au surplus, le pouvoir municipal est passé des « gens de lignage » (échevins et jurés), massacrés en 1312, aux « gens de métiers » (1313). La dure réaction de deux évêques et leurs victoires momentanées (1331 et 1347) rétablissent des conseils municipaux mixtes. Mais les « métiers » (stabilisés au nombre de trente-deux) se révèlent si puissants qu'en 1384 les « grands », renonçant à élire séparément leurs conseillers et leur bourgmestre, s'y font recevoir pour user de leurs droits politiques.
Triomphe de la démocratie, a-t-on répété à ce propos, la réalité est différente. Seuls électeurs du magistrat urbain – donc du tiers état –, les métiers ont aussitôt cherché à restreindre le bénéfice du pouvoir aux « riches de sens et d'avoir », nobles ou roturiers. Dans le choix annuel des deux bourgmestres, l'élection directe par les métiers est abandonnée en 1424 au profit d'un système compliqué ou interviennent vingt-deux commissaires élus à vie. Il n'en reste pas moins que, pour le temps, ce régime est exceptionnellement libéral.
Les drames du xve siècle
Le contrôle de leur pouvoir est précisément ce que ne peuvent supporter des princes de sang royal comme Jean de Bavière (1390-1418) et Louis de Bourbon (1456-1482). Pour tenir leur rang et suppléer à l'insuffisance des recettes du domaine épiscopal,[...]
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Écrit par
- Jean LEJEUNE : professeur à l'université de Liège, échevin des travaux publics et des Musées de la Ville de Liège
- Xavier MABILLE : président-directeur général du Centre de recherche et d'information sociopolitiques, Bruxelles
Classification
Média
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