LIÈGE PRINCIPAUTÉ DE
Les temps modernes
La politique extérieure
Rétablir ce qui avait été, telle fut la première pensée de Liège à la mort de Charles le Téméraire (paix de Saint-Jacques, 1487) ; avec un correctif toutefois : tenir compte de l'expérience. De là, deux constantes qui vont dominer la politique de Liège tout au long des temps modernes : contenir les forces populaires à l'intérieur ; faire connaître la neutralité du pays à l'extérieur (1492). Cette volonté a souvent opposé le prince au pays. Rien de plus naturel dans un État représentatif, la raison d'État n'est pas nécessairement la raison du prince. Lorsqu'en 1518, Évrard de La Marck vend son alliance et celle de son pays à Charles Quint, il obtient le chapeau de cardinal et de grasses prébendes. Mais le pays y perd Bouillon et son duché, enlevés par les Français en 1552 et cédés au prince de Sedan. Aussi va-t-il profiter de la révolution des Pays-Bas contre Philippe II pour refuser le renouvellement de l'alliance.
Plus tard, les guerres de l'Europe catholique et protestante ont incité l'Église à transformer la principauté en apanage réservé aux Wittelsbach cadets, archevêques de Cologne et électeurs d'Empire (1580-1723). Ainsi le pays fut-il entraîné dans les aventures de ces princes. La France, l'Espagne, la Hollande y entretenaient des représentants, intervenaient dans les conflits intérieurs. Richelieu et Mazarin ont gagné sans peine à leur cause le parti populaire et des bourgmestres. Par la suite, ce sont les princes eux-mêmes (Maximilien-Henri et Joseph-Clément de Bavière) qui s'allient à Louis XIV. Entre ces deux règnes, un petit prince local, Jean-Louis d'Elderen, adhéra, comme prince d'Empire, à la ligue d'Augsbourg ; en conséquence, Liège fut occupée par les adversaires de Louis XIV et bombardée par Boufflers en 1691.
Ces mésaventures expliquent qu'en dépit de sollicitations opposées, le pays revenait toujours à sa neutralité. Du reste, Richelieu et Mazarin n'intervenaient, disaient-ils, que pour la maintenir contre l'Espagne, qui se résigna à la reconnaître en 1654. En fait, les Liégeois avaient mesuré leur faiblesse à l'aune de leurs désastres du xve siècle. Leurs frontières étaient indéfendables. Une armée permanente eût été inutile, ruineuse, dangereuse seulement pour les libertés publiques. Sans doute devaient-ils accepter que cette neutralité fût « perméable ». Comment empêcher le passage d'armées royales dans le couloir qui unissait la France de Richelieu et de Mazarin à ses alliés des Provinces-Unies, qui permettait d'attaquer de flanc les Pays-Bas espagnols, qui liait, par les ponts de la Meuse, les Habsbourg d'Espagne et d'Autriche ? Ces passages, ces cantonnements étaient désastreux. Mais la neutralité avait aussi un avantage : elle autorisait le commerce avec tous les belligérants. Ce fut l'une des causes du destin industriel de Liège. Il était nettement dessiné lorsque la paix fut rétablie en 1713-1715.
L'évolution économique et sociale
Vers 1550, Liège est entièrement reconstruite. Sa population s'est reconstituée ; cent ans plus tard, elle a doublé et compte environ 45 000 habitants. Entre ces deux dates, le « capitalisme » particulier aux temps modernes a pris son essor. Capitalisme financier engendré par les nouveaux impôts de l'État, indirects (« gabelles ») et douaniers (« soixantième ») ; tous indispensables et tous affermés, ils enrichissent les fermiers d'impôts dont dépend le prince. Appliquée aux fourneaux et aux marteaux qui, depuis 1548, se groupent aux alentours de Liège, la force hydraulique est, à la fin du xvie siècle, étendue aux « platineries », aux tréfileries, aux « fenderies ». Le but ? Compenser l'enrichissement excessif du minerai et du charbon de bois en comprimant les[...]
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Écrit par
- Jean LEJEUNE : professeur à l'université de Liège, échevin des travaux publics et des Musées de la Ville de Liège
- Xavier MABILLE : président-directeur général du Centre de recherche et d'information sociopolitiques, Bruxelles
Classification
Média
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