RUSSES PRINCIPAUTÉS
Le mot kniaz (knjaz'), apparenté au haut-allemand kuning, désigne le chef varègue que l'on trouve à la tête de l'État kiévien à partir de la fin du ixe siècle (descendants, selon la légende, du chef plus ou moins mythique Riourik, les princes russes sont parfois appelés Riourikides). Le caractère souverain des princes russes est souligné par l'usage, en latin, du mot rex pour les désigner. Mais l'unité de cette principauté de Kiev est, sans cesse, remise en cause par la coutume successorale qui, à la mort du prince régnant, faisait de tous ses fils des successeurs à part égale. Aussi voit-on apparaître, dès la mort de Iaroslav le Sage en 1054, à côté de la principauté de Kiev, celles de Tchernigov, de Pereïaslavl, de Smolensk... Le pouvoir politique est, en fait, exercé collectivement par l'ensemble des représentants mâles de la famille princière, l'aîné, le prince de Kiev, ne jouissant que d'une primauté d'honneur (pour le désigner, le titre de knjaz' velikij, « grand prince », reste, jusqu'à la fin du xiie siècle, d'un usage exceptionnel) ; les différentes principautés sont réparties selon l'ordre de primogéniture, toutes branches confondues. Ce principe successoral est, toutefois, rapidement battu en brèche et, dès 1096, la décision est prise de laisser au représentant de chaque lignée la principauté qu'il a héritée, sa votčina (« bien patrimonial »). Cette nouvelle loi successorale porte en germe le système des udely, ou « parts », dans lequel, lors d'une succession, chaque fils reçoit une fraction de l'héritage (ces udely sont parfois improprement appelés apanages). Cette pratique, qui correspond à un système économique de plus en plus cloisonné, amène, au xiiie siècle, le morcellement de la Russie en multiples principautés dont les plus importantes se situent à la périphérie de ce qui fut la principauté de Kiev : Galicie, Volynie (ces deux principautés seront réunies au début du xiiie s.), Smolensk et Vladimir-Souzdal ; au nord-ouest, la république aristocratique de Novgorod connaît certes des princes, mais ce ne sont que des chefs de guerre congédiables, appartenant cependant toujours à la dynastie des Riourikides.
La fin du xiie siècle voit se généraliser l'emploi du titre de grand prince pour désigner le souverain de Kiev et, surtout, celui de Vladimir dans la Russie septentrionale. C'est la domination mongole qui assurera, à partir du milieu du xiiie siècle, la pérennité de la grande principauté de Vladimir. Le titulaire de cette charge, nommé par le khan de la Horde d'or, devient, en fait, le responsable suprême de la Russie septentrionale ; entre autres, il doit collecter le tribut destiné à l'occupant mongol. Toutefois, la fonction de grand prince de Vladimir vient s'ajouter, pour son détenteur, à sa principauté patrimoniale. Aussi, l'obtention du titre de grand prince suscite-t-elle une rivalité souvent sanglante entre les différentes branches princières, tout particulièrement Tver et Moscou dans la première moitié du xive siècle. À la fin du xive siècle, la grande principauté de Vladimir est pratiquement confondue avec la principauté de Moscou, mais parallèlement d'autres chefs de principauté, essentiellement ceux de Tver, Souzdal-Nijni-Novgorod et Riazan, portent le titre de grand prince, dépendent directement de la Horde d'or, battent monnaie. Le chef de l'État lituanien est, lui aussi, qualifié de grand prince, ainsi que le prince de Smolensk (jusqu'au début du xve s.). Quant aux cadets des différentes dynasties, leurs parts (udely) sont suffisamment importantes pour leur permettre de constituer un danger pour leurs aînés (par exemple, la guerre menée par les princes de Galitch contre Basile II de Moscou dans le second tiers du xve s.). Il faut, enfin,[...]
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Écrit par
- Wladimir VODOFF : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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