NATIONALITÉS PRINCIPE DES
On peut définir ainsi le principe des nationalités : le dogme suivant lequel État et nation doivent coïncider dans les groupements politiques. La notion de nationalité s'est peu à peu formée au cours des siècles. On peut noter dès le Moyen Âge des manifestations de sentiment national, mais celui-ci apparaissait plus comme une réaction contre une menace extérieure que comme une conviction raisonnée et permanente. Mais, durant l'Ancien Régime, l'idée nationale fut éclipsée par la notion d'État. On aboutissait ainsi à une diplomatie fondée sur la théorie des parts équivalentes : chaque guerre se traduisait en fin de compte par des partages dans lesquels les intérêts des populations étaient totalement négligés.
Nationalités et Révolution française
L'idée de la nationalité renaquit durant le xviiie siècle dans la théorie du Contrat socialde Rousseau : « Tout homme étant libre et maître de lui-même, nul ne peut, sous quelque prétexte que ce puisse être, l'assujettir sans son aveu. » L'idée de la volonté générale débouchait finalement sur l'idée de la souveraineté nationale.
En effet, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique en fait une déclaration du droit des peuples. Si la souveraineté réside dans la nation et si, d'autre part, la loi est l'expression de la volonté générale, il s'ensuit que seule cette volonté générale est compétente pour créer, aliéner ou transformer la souveraineté. C'est dans ces conditions que l'Assemblée constituante proclama très tôt le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le problème de l'application du principe des nationalités se posa pour une fois concrètement dans l'affaire des princes possessionnés d'Alsace. Le 31 octobre 1790, Merlin de Douai déclarait à ce sujet : « Le peuple alsacien s'est uni au peuple français parce qu'il l'a voulu, c'est donc sa volonté seule et non le traité de Munster qui a légitimé l'union. »
Désormais le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes devint une des idées forces de la politique extérieure de la République française. Et Carnot la formulait ainsi : « Nous avons pour principe que tout peuple, quelle que soit l'exiguïté du pays qu'il habite, est absolument maître chez lui ; qu'il est l'égal en droit du plus grand et que nul autre ne peut légitimement attenter à son indépendance. » À la même époque, Kant abondait dans le sens : « Un État n'est pas une propriété. C'est une société d'hommes sur laquelle personne n'a le droit de commander et d'ordonner sinon elle-même. »
Il faut cependant reconnaître que les révolutionnaires français n'agirent pas toujours en accord avec ces principes en pratiquant la politique des frontières naturelles.
La politique de conquête de Bonaparte sembla mettre un point final aux pratiques du début de la Révolution ; le traité de Campoformio apparut comme un retour à la diplomatie d'Ancien Régime : les territoires étaient partagés sans tenir compte de l'avis des peuples.
La conquête napoléonienne contribua à intensifier le sentiment national que la Révolution avait fait naître en Europe. L'Allemagne fut à cet égard un exemple frappant : dans ce pays, une tout autre conception du principe des nationalités se fit jour. À la nation fondée sur le libre consentement des hommes, la pensée allemande opposa la conception de la nation fondée sur l'histoire, la langue commune et bientôt la race. C'est ce qu'exprimait déjà Fichte dans son cinquième Discours à la nation allemande : « Ce qui parle la même langue, c'est déjà, avant toute apparition de l'art humain, un tout que par avance la pure nature a lié de lignes multiples et invisibles [...]. Un pareil tout ne peut admettre en son sein[...]
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Écrit par
- André THÉPOT : professeur des Universités
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