PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'HISTOIRE DE L'ART. LE PROBLÈME DE L'ÉVOLUTION DU STYLE DANS L'ART MODERNE, Heinrich Wölfflin Fiche de lecture
Dans le courant que l'on nomme « formaliste » en histoire de l'art, Heinrich Wölfflin (1864-1945) occupe, avec Gottfried Semper ou Aloïs Riegl, une place essentielle. Peu d'œuvres auront exercé une influence aussi durable que la sienne, au-delà même de sa discipline. Élève et successeur à Bâle de Jacob Burckhardt, Wölfflin s'inscrit cependant, dès ses premières recherches, dans le sillage des premiers « théoriciens de la pure visibilité », Konrad Fiedler et Adolf Hildebrandt. C'est d'ailleurs dans l'atelier florentin du second, qui était aussi sculpteur, que Wölfflin eut l'intuition de la psychologie de la perception qui allait fonder ses travaux.
Théorie du changement stylistique et système descriptif
Dans son premier ouvrage véritablement marquant, Renaissance et Baroque (1888), Wölfflin commence à mettre en place son système descriptif, en caractérisant les changements de plan stylistique conduisant à l'art baroque, tant dans la peinture que dans l'architecture. L'arrière-plan culturel des transformations stylistiques y apparaît alors comme une « ambiance », un « sentiment vital » propre à une époque que l'art révélerait. Dans L'Art classique (1899), ce seront les causalités multiples s'entrelaçant dans le développement des formes – évolution des mœurs et développement de la tradition plastique – qui donneront à l'ouvrage sa structure. De ce point de vue, Les Principes fondamentaux de l'histoire de l'art, que Wölfflin prépare dès les années 1906-1910, constituent un véritable aboutissement dans la réflexion de l'historien sur ces questions d'autonomie relative des formes et de causalité dans leur transformation. Ils doivent beaucoup à son enseignement. Le jeu des polarités qu'il y déploie, essentiellement centré sur la peinture, la sculpture et l'architecture, dépend également de la forme spécifique de ses cours, qu'il accompagnait de projections lumineuses dont l'usage s'était répandu à la fin du xixe siècle, dispositif qui favorisait le comparatisme binaire et la sensation d'une pure visibilité. L'idée de Wölfflin est que la peinture tire davantage sa substance de l'art que de la nature : les formes ne feraient que représenter les éléments de l'art du passé ; et, sous la variété des phénomènes esthétiques, il est possible de percevoir, dans l'alternance entre deux grands champs stylistiques, une évolution des formes selon des schémas précis. Cinq couples conceptuels introduits par Wölfflin permettent de décrire les changements stylistiques essentiels dans l'histoire de l'art occidental, même si l'auteur concentre ses exemples sur les époques classique et baroque. Caractérisant précisément le passage de la Renaissance classique à la peinture du xviie siècle, le premier couple oppose le « linéaire » au « pictural », c'est-à-dire la prise en compte de la ligne, d'une part, comme conductrice du regard, et, d'autre part, la vision fondant les objets dans une totalité, telle une apparence flottante. Seconde polarité : la présentation par « plans », qui s'oppose à la présentation en « profondeur ». Troisième distinction : à la « forme fermée » (ou « tectonique »), caractéristique de l'art classique, succède la « forme ouverte » (« atectonique »), propre, par exemple, à la composition baroque. Dans cette « forme ouverte », l'essentiel réside alors, écrit Wölfflin, « dans le souffle qui entraîne l'immobile dans le flux du mouvement ». Les dernières polarités découlent des précédentes. À « l'unité enfermant en elle le multiple », caractéristique de la Renaissance, s'oppose – quatrième couple – « l'unité indivisible », perceptible au [...]
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Écrit par
- François-René MARTIN : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre
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