PRINCIPLES OF ECONOMICS, Carl Menger Fiche de lecture
Les fondements de l'approche autrichienne
L'ouvrage de Menger a ouvert la voie à l'analyse autrichienne de la production et du capital. Il est, en effet, impossible de bien comprendre les travaux d'Eugen von Böhm-Bawerk sur la théorie du capital et de l'intérêt ou ceux de Friedrich von Hayek sur les fluctuations économiques sans faire référence à l'analyse de la production proposée par Menger, dont la caractéristique tient à l'introduction du caractère ordonné dans le temps de la production des biens. Un bien est, pour Menger, caractérisé par sa place dans l'organisation temporelle et spatiale de l'ensemble de la production. Cette idée dépassera le seul cadre de l'école autrichienne. Les travaux de John R. Hicks (Capital and Time, 1973) seront également fortement marqués par l'introduction du temps dans l'analyse économique. Hicks reconnaît d'ailleurs sa dette vis-à-vis de l'école autrichienne, en particulier vis-à-vis d'Eugen von Böhm-Bawerk, et consacrera un article à Menger en 1951 dans l'Economic Journal.
On doit aussi à Menger l'introduction de l'approche subjectiviste en économie. Cette approche est fondée sur l'affirmation que les individus ont une connaissance spécifique de la relation qui existe entre leurs besoins et l'ensemble ordonné des biens. Ainsi, plutôt que d'étudier les comportements d'individus représentatifs, certains prolongements des thèses mengeriennes mettront l'accent sur le problème posé par la coordination des plans d'action d'individus hétérogènes. Les travaux de Friedrich von Hayek sur l'ordre spontané ou ceux d'Israel Kirzner (1992) sur les processus de marché sont directement inspirés de ce type d'approche.
Un autre apport de Menger, repris celui-là de façon beaucoup plus approfondie dans son ouvrage de 1883, porte sur l'émergence de la monnaie, conçue comme une institution organique, engendrée par les comportements des agents économiques, sans que ces derniers aient eu la volonté de la créer. Un individu, plus avisé que les autres, constate qu'il obtient une satisfaction plus grande en échangeant les biens qu'il possède contre des biens « plus échangeables » plutôt qu'en les échangeant contre des biens qui satisferaient immédiatement ses besoins (en raison notamment du temps nécessaire à la recherche des candidats à l'échange). Constatant ce supplément de satisfaction, les autres individus vont suivre et préféreront eux aussi échanger des biens plus échangeables plutôt que de réaliser des trocs bilatéraux. Un processus auto-renforçant s'enclenche : les biens plus échangeables sont plus échangés, jusqu'à faire émerger un bien échangeable contre tous les autres, c'est-à-dire un équivalent général, la monnaie. L'analyse schumpeterienne de l'existence de vagues d'entrepreneurs-innovateurs suivis par des imitateurs en est imprégnée. Un entrepreneur plus « malin » que les autres innove (nouveaux produits, nouveaux marchés, nouveaux procédés, etc.). Constatant son plus grand profit, les autres l'imitent. Cela enclenche un processus auto-renforçant identique au précédent, jusqu'à ce que tous les entrepreneurs utilisent le même produit, saturent le même marché, etc.
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Écrit par
- Pierre GARROUSTE : professeur de sciences économiques à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière
Classification
Média
Autres références
-
AUTRICHIENNE ÉCOLE, économie
- Écrit par Pierre GARROUSTE
- 1 607 mots
En 1871, la publication des Principles of Economics de Carl Menger inaugure ce qui va devenir un nouveau courant de la pensée économique : la tradition économique autrichienne. S'il est considéré, avec le Britannique Stanley Jevons et le Français Léon Walras, comme le co-inventeur du...