PRINTEMPS ARABE ou RÉVOLUTIONS ARABES
Les premiers effets régionaux du printemps arabe
Le printemps arabe, dont on pouvait envisager une issue rapide après la chute des régimes de Ben Ali en janvier et de Moubarak en février, s'inscrit dans la durée, avec la résistance des pouvoirs en place, qui se heurte à la détermination tout aussi forte des sociétés.
D'une part, il connaît à la fin de 2011 un coup d'arrêt. En Syrie, la répression est d'une violence inouïe (3 500 morts de mars à novembre 2011 selon les chiffres onusiens, des milliers d'arrestations) au prix de l'isolement du régime, même si Damas a réussi à se préserver symboliquement d'une condamnation par le Conseil de sécurité de l'O.N.U., grâce aux menaces de veto russe et chinois. Mais Damas est de plus en plus isolé au sein de la Ligue arabe. L'avenir du pouvoir de Bachar al-Assad reste très incertain et la contestation interne ne faiblit pas, s'organisant même autour d'un Conseil national syrien (selon le modèle libyen). La répression se poursuit au Bahreïn, avec des procès visant à punir sévèrement toute dissidence (y compris des membres du corps médical qui ont soigné des blessés par balle).
Il est d'usage d'invoquer les effets d'une vague contre-révolutionnaire encouragée par l' Arabie Saoudite, en particulier une alliance des monarchies (avec la perspective d'adhésion du Maroc et de la Jordanie au C.C.G.). Le pouvoir saoudien a – au moins depuis les années 1950 – adopté une politique régionale très conservatrice favorisant le statu quo, particulièrement chez ses alliés, mais il a accepté en 2011, de façon pragmatique, le changement de régime en Égypte. Il reste très actif en revanche dans sa rivalité avec l'Iran, une forme de nouvelle guerre froide qu'il lit selon un prisme confessionnel : la contestation contre la dynastie sunnite bahreïnie est perçue à Riyad comme une contestation chiite, donc orchestrée par l'Iran.
D'autre part, l'espoir de changement parmi les manifestants et les sociétés reste ardent. Partout demeure une aspiration à la liberté, après la prise de conscience par les individus de leur propre souveraineté politique, du fait qu'ils doivent prendre en charge leur propre destinée (et non les partis, ni les organisations, ni un quelconque chef) et qu'ils peuvent peser collectivement sur leur avenir. La libération de la parole, la diffusion des images de Ben Ali prenant la fuite, celles de Moubarak assistant à son procès sur un brancard, entouré de ses fils tant redoutés, en habits blancs de prévenus (comme en 2003 l'image de Saddam Hussein hagard interrogé par un soldat américain), ont profondément et brutalement changé les mentalités et les attitudes au sein des sociétés arabes.
Dans une zone aussi stratégique que le Moyen-Orient, le printemps arabe fait sentir ses premiers effets à l'échelle régionale, même si ses conséquences sont d'abord internes aux pays concernés (changements de régime et incertitudes de la transition). Par exemple, une Égypte dont le gouvernement serait plus sensible à son opinion publique, bien que des éléments essentiels comme l'armée restent influents et aient souligné leur volonté de maintenir les engagements du pays – particulièrement autour des accords de Camp David –, gérera la frontière avec Gaza, les rapports avec Israël ou avec les Palestiniens différemment du régime Moubarak. Les compromissions diplomatiques et économiques de ce dernier, par exemple les ventes de gaz à Israël au-dessous des cours mondiaux, sont aujourd'hui débattues sur la place publique.
Plus que les puissances extérieures comme les États-Unis – bien présents mais qui considèrent que les révoltes arabes sont des processus internes autour d'une revendication de liberté, qui auront certes des conséquences plus larges –, ce sont les puissances[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe DROZ-VINCENT : professeur des Universités en science politique
Classification
Autres références
-
PRINTEMPS ARABE, en bref
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 339 mots
Né en Tunisie à la fin de 2010, un mouvement inédit de contestation s'est rapidement propagé durant le printemps de 2011 à d'autres pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Durant ce « printemps arabe », les populations protestent à la fois contre la pauvreté et le chômage et contre la tyrannie et la...
-
ALGÉRIE
- Écrit par Charles-Robert AGERON , Encyclopædia Universalis , Sid-Ahmed SOUIAH , Benjamin STORA et Pierre VERMEREN
- 41 835 mots
- 25 médias
L’Algérie n’échappe pas au tsunami révolutionnaire du monde arabe en 2011. Mais la révolte y est tuée dans l’œuf par une politique de répression et de compensations financières. L’État subventionne tous les produits de base pour qu’ils soient accessibles à une population en majorité modeste. Toute... -
ARABIE SAOUDITE
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis et Ghassan SALAMÉ
- 25 169 mots
- 10 médias
Les « printemps arabes », dont la vague commence en Tunisie en décembre 2010, ont d'abord pour origine des contestations internes adressées par les sociétés à leurs régimes autoritaires respectifs, autour de revendications de dignité (karama) et de liberté (huriyya). Mais il n'y a pas... -
ASSAD BACHAR AL- (1965- )
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT et Encyclopædia Universalis
- 2 018 mots
- 1 média
Président de la République arabe syrienne depuis 2000, Bachar al-Assad, né en septembre 1965, est resté longtemps à l'écart des cercles de pouvoir. Son père, le président Hafez al-Assad, traumatisé au début des années 1980 par les conflits de succession frisant la guerre civile au cœur même du régime...
-
BAHREÏN
- Écrit par André BOURGEY , Encyclopædia Universalis et Laurence LOUËR
- 4 896 mots
- 4 médias
C'est dans ce contexte particulier qu'éclate le soulèvement du 14 février 2011, directement lié à la vague de protestation du « printemps arabe » partie de Tunisie et d'Égypte. Le régime hésite entre la répression et la négociation mais, après avoir entamé des pourparlers avec al-Wifaq portant... - Afficher les 24 références