PRISE DE GUERRE
Le terme « prise », dans un sens passif, désigne le navire capturé ou la marchandise saisie au cours d'une opération de prise ; dans un sens actif, il sert à déterminer l'opération de guerre navale ayant pour effet la capture ou la saisie, la confiscation devant obligatoirement être prononcée par la juridiction des prises. L'institution des prises, particulière à la guerre maritime, présente une double originalité : d'une part, elle touche des biens de propriété privée, auxquels le droit de la guerre terrestre attache généralement un caractère d'inviolabilité ; d'autre part, et contrairement aux butins de guerre, biens publics susceptibles de simple confiscation administrative, elle nécessite un jugement en application d'une règle coutumière. Le droit de prise subit une double limitation. Ratione temporis, l'appropriation n'est réputée valable qu'au cours d'une guerre, le droit s'exerçant dès l'ouverture des hostilités ; une pratique plus libérale, consacrée par la VIe Convention de La Haye (18 oct. 1907), prévoyait le bénéfice de l'indult (ou délai de grâce) au profit des navires de commerce surpris en port ennemi au début des hostilités ; dénoncée par le Royaume-Uni en 1925, cette libéralisation n'a plus trouvé d'application dans les faits ; la signature de la paix emporte cessation du droit de prise. Ratione loci, le droit de prise peut être exercé en haute mer et dans les eaux territoriales ou intérieures des belligérants par les navires de guerre ; dans les ports, par les autorités maritimes ; il n'a pas lieu d'être dans les eaux territoriales des États neutres qui font respecter leur neutralité.
Sauf preuve contraire, toute marchandise trouvée à bord de navires ennemis est susceptible de saisie ; subissent les mêmes risques les marchandises sur le point d'être chargées ; seuls sont épargnés les effets personnels de l'équipage et la correspondance postale. Tout navire ennemi à usage commercial est susceptible de capture. Lui sont assimilées les épaves ainsi que les coques inachevées. Sont exemptés de capture les navires exclusivement affectés à la pêche côtière, les navires-hôpitaux et les navires chargés de missions scientifiques ou philanthropiques. Le caractère ennemi d'un navire se détermine généralement par son pavillon ; cependant, l'influence anglo-saxonne et la jurisprudence des prises des deux guerres ont contribué à tenir compte de divers autres éléments tels que la nationalité du propriétaire ou celle des membres de l'équipage. La capture d'un navire neutre est exceptionnellement autorisée en cas d'assistance hostile ou de contrebande de guerre. La Seconde Guerre mondiale a vu étendre le droit de prise hors du domaine maritime, aux aéronefs et aux marchandises qu'ils transportent.
En haute mer, les vaisseaux de guerre d'une puissance belligérante peuvent arraisonner et visiter tout navire ; le refus pour un navire de hisser son pavillon constitue un acte d'hostilité et fait de lui une bonne prise. Son acceptation permet d'opérer la visite qui, en raison des dangers nouveaux inhérents aux guerres modernes, a le plus souvent lieu dans un port de contrôle où le navire arraisonné a été détourné. Si les conditions de prise sont remplies, la capture du navire et la saisie des marchandises peuvent avoir lieu. La destruction des prises peut être justifiée lorsque la mission du navire captant risque d'être compromise par la capture ; l'équipage, les passagers et les papiers de bord doivent, en tout état de cause, avoir été mis en sûreté. La destruction de la prise ne supprime pas la nécessité du jugement : cette dernière phase est indispensable pour rendre la prise maritime valide et définitive ; le jugement de cette validité appartient exclusivement[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Patricia BUIRETTE : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne
Classification
Autres références
-
GUERRE
- Écrit par Jean CAZENEUVE , P. E. CORBETT , Victor-Yves GHEBALI et Q. WRIGHT
- 14 345 mots
- 10 médias
En septembre 1939,un bâtiment allemand, le Pomona, fut saisi dans le port de Londres immédiatement après l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Le Conseil des prises estima qu'il n'existait nulle règle de droit coutumier international interdisant la confiscation et que, la sixième convention de... -
ŒUVRES D'ART & PRISES DE GUERRE (1945)
- Écrit par Klaus GOLDMANN
- 2 666 mots
- 3 médias
En visite officielle à Athènes pendant l'été de 1993, Boris Eltsine, président de la fédération de Russie, a révélé que le Trésor de Priam (les objets en or trouvés par Heinrich Schliemann à Troie) se trouvait bien à Moscou, confirmant ainsi ce qui était connu depuis 1991 grâce...
-
PATRIMOINE, art et culture
- Écrit par Jean-Michel LENIAUD
- 13 211 mots
- 3 médias
...l'Empire, en passant par la défaite de Philippe Auguste à Fréteval (1194) – au cours de laquelle il perdit ses archives –, jusqu'aux revendications sur les prises de guerre soviétiques aux xxeetxxie siècles, la victoire s'accompagne souvent de la confiscation d'objets précieux censés posséder un pouvoir... -
RESTITUTION DES BIENS CULTURELS
- Écrit par Krzysztof POMIAN
- 6 802 mots
...dévoilée la présence en Russie des œuvres pillées par les nazis dans les pays qu'ils avaient occupés ainsi que celles d'œuvres ayant appartenu à l'Allemagne. Les unes et les autres furent transférées en secret en U.R.S.S. au titre debutin de guerre et y ont été, toujours en secret, gardées depuis lors.