- 1. Le prix Albert-Lasker pour la recherche médicale fondamentale : l’activation de l’immunité innée
- 2. Le prix Lasker-DeBakey pour la recherche clinique : des médicaments efficaces contre l’obésité
- 3. Le prix Lasker-Bloomberg pour le bien public : la prévention de la transmission hétérosexuelle du sida
PRIX LASKER 2024
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Le prix Lasker-DeBakey pour la recherche clinique : des médicaments efficaces contre l’obésité
Le prix Lasker-DeBakey pour la recherche clinique a été attribué en 2024 à trois chercheurs pour leurs travaux sur l’hormone digestive GLP-1 et la mise au point de médicaments pour lutter contre l’obésité : l’endocrinologue américain Joel Habener de l’université Harvard, la chimiste macédonienne et américaine Svetlana Mojsov de l’université Rockefeller (à New York) et la chercheuse danoise Lotte Bjerre Knudsen de la société Novo Nordisk.
La contribution majeure de Habener est la découverte d’une hormone du système digestif, semblable au glucagon, appelée de ce fait glucagon-like peptide-1 (GLP-1). Le contrôle de la quantité de glucose dans le sang est réglé par deux hormones peptidiques pancréatiques d’effets essentiellement antagonistes, l’insuline et le glucagon. Au moment où Habener s’installe au Massachusetts General Hospital (Boston), le rôle du glucagon est incompris. Habener isole le gène qui code pour cette hormone, à partir d’un poisson, la lotte, qui en sécrète de grandes quantités – car la manipulation d’ADN humain est alors encore interdite. En 1982, il publie que le gène code pour une protéine qui, une fois découpée par des enzymes pancréatiques, libère deux peptides, le glucagon et un autre polypeptide lui ressemblant fort, le GLP-1. Les résultats seront étendus aux mammifères, dont l’être humain.
Décrire l’activité biologique de ces deux peptides exige d’en disposer à l’état pur et en grandes quantités. Svetlana Mojsov intervient à ce stade de manière décisive. Son long séjour dans le laboratoire de Robert Bruce Merrifield à l’université Rockefeller l’avait familiarisée avec la synthèse de peptides. Recrutée en 1983 par Harvard comme directrice du service dédié à celle-ci, elle collabore avec Habener, et met au point divers réactifs pour suivre le GLP-1 in vivo et son dérivé plus court, amputé de six aminoacides terminaux.
Utilisant ces divers réactifs, Habener, Mojsov et leurs collègues démontrent que le GLP-1 court est une hormone produite par les cellules du duodénum et capable de stimuler la production d’insuline par le pancréas, de réduire la sécrétion de glucagon et de réduire l’appétit en agissant sur des cellules de l’hypothalamus. Le peptide court est au moins 10 000 fois plus actif que la forme longue ; ses propriétés suggèrent un usage potentiel dans le traitement de certains diabètes. En outre, la démonstration que l’injection de GLP-1 fait radicalement baisser la prise alimentaire des rats en envoyant un signal de satiété permet d’envisager une lutte pharmacologique contre l’obésité.
Le GLP-1 est une molécule instable, dégradée dans le sang en quelques minutes. La fabrication de molécules modifiées stables conservant l’activité biologique de celle d’origine s’avère donc nécessaire pour une application thérapeutique. Chez Novo Nordisk, entreprise danoise de soins de santé, Lotte Bjerre Knudsen, la troisième lauréate de ce prix Lasker, modifie le GLP-1 par addition de lipides, ce qui le protège et permet son transport par le sang dans tout l’organisme. Son équipe produit un dérivé de GLP-1, le liraglutide, qui stimule la production d’insuline par le pancréas et est utilisé dans le traitement du diabète de type 2 à partir de 2009 (Victoza®). Comme on note une perte d’appétit et de poids chez les sujets traités par cette molécule, les agences de santé américaines et européennes autorisent son usage dans le traitement de l’obésité respectivement en 2014 et 2015 (Saxenda®). Une molécule modifiée de façon différente, le sémaglutide, possède une activité d’une semaine environ au lieu d’une demi-journée, et son emploi est autorisé dans le traitement du diabète de type 2 depuis 2017 (Ozempic[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média