- 1. Le prix Albert-Lasker pour la recherche médicale fondamentale : l’activation de l’immunité innée
- 2. Le prix Lasker-DeBakey pour la recherche clinique : des médicaments efficaces contre l’obésité
- 3. Le prix Lasker-Bloomberg pour le bien public : la prévention de la transmission hétérosexuelle du sida
PRIX LASKER 2024
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Le prix Lasker-Bloomberg pour le bien public : la prévention de la transmission hétérosexuelle du sida
Le prix Lasker-Bloomberg 2024 pour le bien public a été attribué à un couple d’épidémiologistes sud-africains, Quarraisha et Salim S. Abdool Karim. Il vient récompenser l’ensemble de leur carrière, et plus particulièrement le rôle qu’ils ont joué dans les programmes de lutte contre le sida en Afrique du Sud, modèle pour de nombreux autres pays, qui tient compte non seulement des inégalités sociales, mais aussi de spécificités comme les rapports de domination entre sexes et entre générations.
Lorsque Quarraisha et Salim S. Abdool Karim rentrent en Afrique du Sud en 1988 après leur passage à l’université Columbia (New York), l’épidémie de sida a commencé dans le pays. Ils vont se consacrer à l’épidémiologie de la maladie en cherchant d’abord « où », c’est-à-dire dans quelles populations, se trouve le virus. Leurs premiers résultats importants, publiés en 1992, montrent que trois fois plus de femmes que d’hommes sont infectées en Afrique du Sud, que le virus n’existe pas chez les garçons de moins de 20 ans, tandis que le pic de prévalence chez les filles se situe avant l’âge de 15 ans. Ce résultat – accueilli avec scepticisme – signifie que les jeunes filles sont infectées par des hommes plus âgés qui utilisent leur pouvoir social pour les abuser, celles-ci ne pouvant, dans ces conditions, contraindre à l’usage du préservatif ces hommes qui sont, la plupart du temps, polygames, ce qui multiplie les risques. Le jury Lasker souligne que cela démontre « l’impact de la dynamique des pouvoirs sur le bien-être et la santé des groupes défavorisés, non seulement en Afrique du Sud, mais dans le monde entier ».
Les Abdool Karim ont testé de très nombreux composés chimiques capables de tuer le VIH in vitro. Dans les années 2010, ils découvrent enfin qu’un agent antirétroviral, le ténofovir, sous forme de gel vaginal puis par voie orale, protège à environ 40 % sur trois années de suivi. En 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande cette prophylaxie chez les sujets à haut risque. À la suite de ce premier succès, même partiel, le couple Abdool Karim examine le rôle des infections inflammatoires dans la propagation du VIH, puis milite pour l’administration d’un traitement combiné contre le VIH et la tuberculose, car cette dernière frappe la plupart des sujets infectés par le virus. Cela diminue de moitié la mortalité dans ce groupe. Ces procédures sont également reprises par l’OMS. Dans leurs démarches, ils se heurtent vivement à Thabo Mbeki, président sud-africain de 1999 à 2008, qui nie l’importance du VIH et pousse à utiliser des remèdes autochtones. En d’autres termes, les Abdool Karim ont largement contribué à modeler la lutte contre la transmission du virus dans leur pays, en mettant l’accent sur les caractéristiques sociologiques du milieu considéré et sur le rôle des associations pour que les femmes puissent prendre en charge leur vie.
Enfin, la recherche épidémiologique exige des moyens techniques. Le couple a notamment poussé à la mise en place d’un centre de recherches appelé CAPRISA (pour Centre for the AIDS Programme of Research in South Africa), dont les plateaux techniques, en particulier les séquenceurs d’ADN à haut débit, ont permis le suivi de la pandémie de Covid-19 en Afrique. Cette même recherche exige de former des chercheurs de grande qualité, ce à quoi les Abdool Karim se sont attelés, surtout en collaboration avec l’université Columbia où tous deux avaient été formés dans les années 1980.
Quarraisha Abdool Karim est née le 28 mars 1960 en Afrique du Sud. Elle étudie la microbiologie et la biochimie à partir de 1981 à l’université de Durban-Westville, puis à celle de Witwatersrand. Elle se spécialise en parasitologie en 1988 lors[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média