PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2012
Le prix Nobel de physiologie ou médecine 2012 a été attribué au Britannique John B. Gurdon (né en 1933) et au Japonais Shinya Yamanaka (né en 1962) pour leurs travaux sur les cellules souches.
Depuis la fin du xixe siècle on admet, sans d'ailleurs l'avoir jamais prouvé, que la différenciation cellulaire est irréversible. L'œuf fécondé se multiplie. Les cellules qui proviennent de ces divisions successives se différencient en cellules des différents tissus des organes de l'embryon et de l'adulte. Il n'y a pas de retour en arrière de cette évolution ; une cellule musculaire ne redeviendra pas l'équivalent d'un œuf juste fécondé. Les cellules de la lignée germinale se séparent très tôt de ce grand flux de différenciation et assurent seules la continuité des cellules souches totipotentes, c'est-à-dire capables de se différencier en toute autre cellule. Chez les animaux, certains processus de régénération d'organes montraient que cette règle n'était pas absolue. Sur le plan expérimental, les amphibiens étaient un matériel de choix pour examiner une éventuelle reprogrammation de l'ADN contenu dans le noyau de cellules différenciées. John B. Gurdon, pendant sa thèse à Oxford, étudiait la transplantation de noyaux de cellules différenciées dans des œufs de xénope préalablement énucléés. Il montre et publie dans Nature en 1959, que l'on pouvait faire naître des grenouilles adultes et capables de se reproduire après de telles transplantations. Il y avait donc eu reprogrammation de l'ADN de la cellule différenciée en cellule indifférenciée. Ce résultat, répété plusieurs fois, a été accueilli avec scepticisme, voire hostilité, puis admis mais considéré comme une singularité des amphibiens. Gurdon poursuit son travail qui transforme l'œuf de xénope en un outil majeur de la biologie moléculaire. Le travail sur les cellules souches est aussi mené par d'autres chercheurs chez la souris. Les étapes clés furent l'établissement de lignées cellulaires totipotentes à partir de cellules embryonnaires précoces, puis l'isolement de cellules souches de tissus différenciés. Cependant la déprogrammation de cellules différenciées n'était pas en question dans ces recherches. À partir de 2006 mais surtout en 2007, le groupe de chercheurs de l'université de Kyōto dirigé par Shinya Yamanaka démontre que l'on peut reprogrammer des cellules différenciées de souris, des fibroblastes, en introduisant dans leur génome les gènes de quatre facteurs de transcription (ces facteurs contrôlent l'expression de certains gènes), Sox2, Oct4, Klf4 et C-myc, ce dernier étant un gène de contrôle de la division cellulaire impliqué dans certains cancers. Les cellules de souris ainsi modifiées se dédifférencient en cellules appelées iPS (pour induced pluripotent cells), capables de participer au développement de souris normales. Un peu plus tard, des iPS ont été produites à partir de cellules humaines. Ces résultats, acceptés dans un premier temps avec réserve par la communauté scientifique, sont désormais admis et le jeu de gènes nécessaire à cette dédifférenciation est disponible en kit dans les catalogues de biologie moléculaire. En revanche, du fait de leur construction, l'usage de ces cellules iPS en médecine reste pour l'instant assez illusoire, au contraire des autres cellules souches.
Le prix Nobel vient ainsi récompenser les deux grands acteurs d'une histoire qui est moins celle des cellules souches que celle de la mise à mal du dogme de l'irréversibilité de la différenciation cellulaire.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Médias