PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2014
Le prix Nobel de physiologie ou médecine 2014 a été décerné à l’Anglo-Américain John O´Keefe et au couple norvégien May-Britt et Edvard Moser, pour leurs travaux qui éclairent la manière dont le cerveau nous permet de nous repérer dans l’espace, de définir un itinéraire et de le garder en mémoire pour retrouver notre chemin.
Né le 18 novembre 1939 à New York, formé à l’université McGill à Montréal, John O´Keefe a fait toute sa carrière à l’University College de Londres. En 1971, avec John Dostrovsky, il découvre chez le rat les premières bases du système de reconnaissance spatiale, en enregistrant, à l’aide de minuscules électrodes, l’activité individuelle des cellules de l’hippocampe – une zone du cerveau essentielle à la mémoire et à l’orientation dans l’espace. En observant des rats pouvant circuler librement, ces chercheurs ont eu la surprise de constater que des groupes de cellules s’activaient subitement dès que les animaux passaient à certains emplacements précis. À chacun de ces emplacements correspondait l’activation d’un groupe différent de cellules, et, pour une position donnée, c’était toujours le même groupe de cellules qui était activé. Cette activité neuronale ne semble pas dépendre du déplacement de l’animal, mais seulement de l’endroit où il se trouve. Ainsi chacune de ces cellules est associée à un lieu, ce qui a conduit John O´Keefe à les nommer « cellules de lieu ». Ces cellules ne se contentent pas d’enregistrer des signaux visuels, mais elles élaborent une sorte de plan du lieu, qui reste stocké dans le cerveau. Le même mécanisme a été mis en évidence chez des animaux aveugles ou placés dans l’obscurité. En 1948, le psychologue comportementaliste américain Edward C. Tolman, observant la manière dont les rats apprennent à se déplacer dans un labyrinthe, avait déjà émis l’hypothèse d’une « carte cognitive ». Les travaux de John O´Keefe ont confirmé cette théorie et en ont révélé le support anatomique : l’activité combinée des cellules de lieux génère de multiples plans dans l’hippocampe, qui conserve ainsi la mémoire des lieux.
Mais comment notre cerveau peut-il déterminer précisément notre position dans l’espace et évaluer les distances afin de diriger nos pas ? May-Britt et Edvard Moser vont le découvrir en 2005, plus de trente ans plus tard, dans leur laboratoire de l’université des sciences et technologies de Trondheim (Norvège). En étudiant l’activité neuronale de rats libres de leurs mouvements, ils ont identifié un autre type de cellules, les « cellules de grille », à l’intérieur du cortex entorhinal, une zone du cerveau vers laquelle convergent les informations provenant de l’hippocampe voisin. Contrairement aux cellules de lieu, qui correspondent à des points uniques, les cellules de grille sont activées pour des points multiples répartis régulièrement dans l’espace de manière hexagonale. L’environnement est ainsi quadrillé en lignes verticales et horizontales, tel un papier millimétré. Chaque fois que le rat passe par un des angles d’un hexagone, une cellule de grille est activée. Et, chaque fois que l’animal se déplace dans un nouvel environnement, un nouveau schéma d’activation des cellules de grille se constitue, couvrant tout l’espace parcouru. Ce maillage de l’espace ajoute un cadre métrique par rapport aux cartes cognitives de l’hippocampe, et renseigne sur les déplacements et les distances parcourues. Ce système de repérage, qui fonctionne lui aussi dans l’obscurité, permet d’élaborer des cartes mentales et de retrouver un chemin déjà emprunté. D’autres cellules du cortex entorhinal reconnaissent l’orientation de la tête (cellules de direction de la tête) et les bords d’un espace clos (cellules de bordure). Toutes ces cellules du cortex entorhinal sont en connexion constante avec les cellules de lieu de l’hippocampe, formant un système de géolocalisation[...]
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Écrit par
- Chantal GUÉNIOT : docteur en médecine
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