PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2015
Le prix Nobel de physiologie ou médecine a été décerné à William C. Campbell, Satoshi Ōmura et Youyou Tu pour leurs travaux sur les maladies parasitaires, qui ont permis le développement de nouveaux traitements.
Environ trois milliards et demi d’humains vivent dans des zones géographiques où le paludisme est une maladie répandue. Dans ces mêmes aires, ou à leur proximité, existent d’autres maladies parasitaires dans lesquelles le parasite est un ver, comme l’onchocercose (responsable de la cécité dite des rivières) ou les filarioses lymphatiques (responsables de l’éléphantiasis). La lutte contre les parasites responsables de ces maladies n’est pas toujours efficace en dépit des moyens utilisés pour lutter contre leurs vecteurs, et de l’existence de certains médicaments efficaces, du moins contre le paludisme (quinine, chloroquine, etc.). Le prix Nobel vient récompenser ici deux avancées thérapeutiques majeures. Elles concernent l’isolement, la caractérisation et la production d’une part de l’avermectine, efficace contre certains vers (travaux de Campbell et Ōmura) et, d’autre part, de l’artémisinine, active contre l’agent du paludisme (travaux de Tu).
L’avermectine est une substance produite (en même temps que d’autres molécules de structure voisine) par une bactérie du sol (Streptomycesavermectinius) de l’ordre des Actinomycètes. Découverte au Japon par l’institut Kitasato, cette molécule, une lactone macrocyclique à 16 cycles, a été isolée en 1978 dans ce même institut puis testée pour son activité biologique dans les laboratoires pharmaceutiques Merck Sharp & Dohme (M.S.D.) aux États-Unis à partir de l’année suivante. Elle se révèle avoir une forte activité contre les vers (activité antihelminthique) chez la souris et un large spectre d’activité. Un dérivé moins toxique, l’ivermectine, est expérimenté chez l’homme et l’animal à partir du début des années 1980 en dépit de sa toxicité qui reste non négligeable. Chez l’homme, il est montré, vers 1988, qu’une dose unique annuelle du médicament produit par M.S.D. et distribué gratuitement au travers d’une fondation, suffit à tuer les parasites de l’onchocercose et de la filariose lymphatique. Depuis cette date, elle est utilisée dans des campagnes antiparasitaires qui se révèlent efficaces, avec un effondrement rapide de la fréquence de ces parasitoses et une disparition, de fait, de la cécité due à l’onchocercose depuis 2002. William C. Campbell, chercheur américain (naturalisé en 1962) d’origine irlandaise, né à Ramelton en 1930 et travaillant chez M.S.D. aux États-Unis, a été responsable du programme de développement et de tests du médicament. Le Japonais Satoshi Ōmura, né en 1935 à Nirasaki (préfecture de Yamanashi), a quant à lui assuré, en tant que chimiste et biologiste à l’institut Kitasato, l’isolement de l’avermectine et sa transformation en ivermectine (médicament utilisé chez l’homme).
L’histoire de l’artémisinine est moins évidente. Selon la tradition médicale chinoise, réelle ou reconstituée, on admet que des extraits de l’armoise annuelle (Artemisiaannua) protègent contre les fièvres récurrentes. En 1967, semble-t-il à la demande du gouvernement vietnamien en guerre, alors que les troupes étaient massivement atteintes par le paludisme, des chercheurs militaires chinois ont testé plusieurs milliers d’extraits de plantes connues pour leurs propriétés pharmacologiques. Cette recherche était coordonnée par la scientifique Youyou Tu. En 1973, la substance nommée artémisinine est isolée d’Artemisiaannua. Elle est dotée d’un fort pouvoir contre l’agent du paludisme Plasmodium falciparum. Sa structure n’a été déterminée que vers 1979. Il s’agit d’une lactone sesquiterpénique dotée d’un groupement peroxyde responsable de son activité biologique. À partir de 2000, l’artémisinine a intégré[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Médias