PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2016
Le prix Nobel de physiologie ou médecine a été attribué le 3 octobre 2016 au microbiologiste japonais Yoshinori Ohsumi pour ses découvertes sur les mécanismes de l’autophagie, qui ont conduit à un nouveau paradigme dans notre compréhension de la manière dont la cellule recycle son contenu. L’autophagie (étymologiquement « le fait de se manger soi-même ») est un phénomène connu depuis les années 1960, selon lequel la cellule englobe dans une membrane une partie de ses propres constituants ainsi que des molécules dégradées ou mal formées. Le petit sac ainsi établi, ou autolysosome, est dirigé vers un compartiment cellulaire, constitué par les lysosomes et son contenu est dégradé et recyclé : c’est l’ensemble des mécanismes en jeu qui a été décodé par Ohsumi depuis 1990.
Ohsumi est né le 9 février 1945 à Fukuoka, où son père était professeur à l’université de Kyushu. Dans une interview au journal Asahi Shimbun le 4 octobre 2016, il tient à préciser que son intérêt pour la science est venu de son frère aîné, étudiant à l’université de Tōkyō, qui lui rapportait un ouvrage scientifique à chacun de ses retours. Ohsumi est licencié en biologie en 1967 à Tōkai et docteur de cette même université en 1974 pour des recherches sur des toxines produites par les colibacilles, les colicines. Il rejoint le groupe du biochimiste américain Gerald Edelman à New York en 1974 et mène des travaux très divers sur la réplication de l’ADN et la fertilisation in vitro avant d’étudier la génétique de la levure. Il retourne au Japon en 1977, poursuit son travail sur la levure et s’oriente de plus en plus vers l’étude de la vacuole de cet organisme. La vacuole est une sorte de sac intracellulaire dans lequel s’accumulent des dérivés du métabolisme cellulaire ainsi que les autolysosomes. En 1988, il peut ouvrir son propre laboratoire dans l’un des collèges de l’université de Tōkyō et, devenu autonome, se spécialise dans les mécanismes à l’œuvre dans les fonctions de la vacuole de la levure. Étrange sujet, sur lequel presque personne ne travaille, et c’est précisément ce qui lui convient. Toujours dans cette même interview donnée à Asahi Shimbun, il affirme « détester devoir rivaliser avec les autres et trouver amusant d’explorer comme un pionnier un domaine dans lequel personne n’a encore pataugé ».
Au cours de son travail, Ohsumi a toujours associé la génétique et la biologie moléculaire à l’observation de la physiologie globale de mutants de la levure sélectionnés pour leur effet sur la vacuole. C’est ainsi qu’il démontre d’abord que l’autophagie existe bien chez la levure et qu’elle y est induite par la carence en éléments nutritifs. Il montre successivement l’existence de quinze gènes essentiels à la réalisation du phénomène et les isole. L’importance de son travail commence à être reconnue au début des années 1990, d’autant que, par des approches très différentes, les immunologistes et les biologistes cellulaires placent désormais les lysosomes au centre des phénomènes qu’ils étudient. Ohsumi est nommé en 1996 à l’Institut national de biologie fondamentale d’Okazaki, institution prestigieuse, où il montre que ces gènes se répartissent en six groupes fonctionnels, tandis que ses collaborateurs démontrent que les équivalents de ces gènes se retrouvent chez les plantes et les organismes supérieurs. L’autophagie est donc universelle, ce qui sous-tend que sa fonction a été sélectionnée très tôt au cours de l’évolution. En 2009, Ohsumi est nommé à l’Institut de technologie de Tōkyō, également prestigieux. Il donne alors une autre impulsion à son travail en y ajoutant des techniques physiques pour l’étude de la dynamique des membranes vacuolaires et autophagiques.
Parti d’un sujet qui n’intéressait personne, Ohsumi a mis en place, presque seul,[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média