PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2017
Le prix Nobel de physiologie ou médecine a été attribué en 2017 à trois scientifiques américains, Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young pour « leurs découvertes des mécanismes moléculaires qui règlent le rythme circadien ». L’assemblée Nobel résume ainsi leurs recherches : depuis longtemps, on sait que tous les organismes vivants, y compris les humains, possèdent une horloge biologique réglée sur le rythme de la journée. Ces chercheurs en ont démonté les rouages et ont montré comment les organismes adaptent leur horloge interne pour qu’elle reste synchronisée avec les révolutions de la Terre.
En 1967, Seymour Benzer (1921-2007), généticien américain connu pour ses travaux sur la génétique des bactéries et virus, commence à s’intéresser au comportement de la drosophile (mouche du vinaigre). En transposant les méthodes génétiques qu’il a utilisées précédemment, il introduit de nombreuses mutations dans cet organisme. Parmi celles-ci, trois affectent le rythme circadien de la drosophile et causent perte du rythme, cycle allongé ou cycle raccourci. Avec son étudiant Ronald J. Konopka, il montre en 1971 qu’il s’agit de trois variants (allèles) d’un même gène qu’ils appellent periodou per. Ainsi, des mutations dans la séquence de l’ADN d’un même gène peuvent modifier de différentes manières l’adaptation de l’organisme au cycle circadien. Les travaux des lauréats du prix Nobel de physiologie ou médecine 2017 sont directement issus de cette observation princeps. Signe de cette continuité, Benzer a signé en 1992 avec l’un d’entre eux, Michael Rosbash, un article montrant que la protéine PER, codée par le gène per, s’accumule dans le noyau des cellules où le gène s’exprime.
À partir de la découverte du gène per, on peut diviser le démontage de l’horloge biologique interne en trois étapes. Tout d’abord, en 1984, Michael Rosbach et Jeffrey Hall isolent ce gène et caractérisent la protéine PER pour laquelle il code. Peu après, avec Konopka, ils démontrent définitivement la fonction de ce gène en réparant la mutation per par un fragment d’ADN issu d’un gène per normal. Pour tenter d’expliquer le rôle de per dans le rythme circadien, Rosbash et Hall font l’hypothèse que la protéine PER s’accumule pendant la nuit et est dégradée le jour. Cela n’expliquait cependant pas comment le phénomène de synthèse-dégradation de la protéine PER s’établit. En 1990, Rosbach et Hall montrent qu’en s’accumulant dans le noyau cellulaire la protéine PER tend à bloquer sa propre synthèse, créant ainsi un contrôle cyclique de sa production. La troisième étape est celle des travaux de Michael Young à l’université Rockefeller à New York. Ce chercheur montre, en 1994, l’existence d’un second gène, timeless, dont la protéine correspondante – TIM – contrôle l’activité de PER en se fixant sur elle et en permettant son accumulation dans le noyau. En 1998, Young identifie un autre gène, doubletime qui, lui, intervient dans le fonctionnement de l’horloge biologique : il code pour la protéine DBT qui, en retardant l’accumulation de PER, module son action sur la cellule.
Le modèle d’horloge biologique établi chez la drosophile est généralisable : les mécanismes de base sont identiques chez les animaux. De nombreux variants de ces gènes existent chez les Vertébrés, ce qui suggère que le rythme circadien peut être propre à chaque individu d’une même espèce. Depuis ces travaux fondateurs, d’autres rouages de l’horloge biologique ont été identifiés. Ainsi, deux protéines associées l’une à l’autre – CLOCK et CYC – contrôlent l’activité des gènes per et timeless. Par ailleurs, des études en chronobiologie ont montré depuis des dizaines d’années que de nombreux paramètres biologiques et comportementaux humains présentaient des variations[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Médias