- 1. Un parcours scientifique éclectique consacré à l’étude de l’ADN ancien
- 2. L’ADNmt de l’homme de Neandertal
- 3. L’ADN nucléaire : une histoire différente de celle de l’ADNmt
- 4. Une nouvelle lignée humaine : les Dénisoviens
- 5. L’ADNa des premiers humains anatomiquement modernes d’Eurasie
- 6. Bibliographie
PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2022
L’ADNmt de l’homme de Neandertal
En 1997, les travaux de Svante Pääbo vont avoir un écho international. Pour la première fois, à partir d’un prélèvement de l’humérus droit du fossile de Neandertal mis au jour en 1856, une courte partie de l’ADN mitochondrial (ADNmt) est isolée et comparée avec celle équivalente d’un millier d’individus actuels. L’étude met en évidence huit différences en moyenne entre les positions des nucléotides (adénine, cytosine, thymine, guanine qui constituent l’ADN) au sein des individus actuels et vingt-sept entre le Néandertalien et les individus actuels. Grâce à ces travaux, le rôle des Néandertaliens dans l’ancestralité des humains du Paléolithique récent (42 000 à 12 000 ans) semble résolu, comme le souligne le titre du numéro de la revue scientifique américaine Celldans lequel cette étude est publiée : « Les Néandertaliens n’étaient pas nos ancêtres » (« Neanderthals were not our ancestors »).
En 1999, Svante Pääbo étudie une partie plus longue de l’ADNmt de ce même Néandertalien. Comparativement à neuf chimpanzés, le fossile et les humains actuels présentent en moyenne presque autant de différences (94,1 ± 5,7 pour le Néandertalien et 93,4 ± 7,1 pour les humains actuels). L’ADNmt du fossile a donc évolué séparément de celui des humains actuels, il n’a pas contribué à la variabilité de leur ADNmt et les deux lignées se sont séparées vers 465 000 ans. Ces travaux sont confirmés en 2004 avec l’étude comparative de l’ADNmt de huit Néandertaliens et cinq humains anatomiquement modernes du Paléolithique récent. En 2007, l’étude du gène FOXP2 (impliqué dans les capacités langagières) de deux Néandertaliens d’Espagne montre les mêmes modifications que celui des humains actuels relativement à celui des chimpanzés. L’année suivante, Svante Pääbo publie la totalité de la séquence de l’ADNmt d’un Néandertalien de Vindija (Croatie), confirmant une séparation entre la lignée néandertalienne et celle menant aux humains actuels qui aurait eu lieu il y a 660 000 ± 140 000 ans. Cette étude donne également des informations sur la faible démographie des Néandertaliens.
Les travaux menés par l’équipe de Svante Pääbo aux tournants des années 1990-2000 révèlent ainsi que l’étude de l’ADNa de fossiles humains du Pléistocène supérieur (130 000 à 12 000 ans) permet de raconter de façon nouvelle notre histoire évolutive et d’informer sur certaines capacités cognitives des populations humaines anciennes et sur leur dynamique démographique.
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Écrit par
- Bruno MAUREILLE : directeur de recherche au CNRS, directeur du département de sciences archéologiques de l'université de Bordeaux
Classification
Média