PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2024
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Intérêt d’un modèle animal exotique
C’est sur un des principes à l’œuvre dans cette régulation que portent les travaux des deux lauréats du prix Nobel 2024, travaux fondateurs dont les premiers résultats ont été publiés dans les années 1990 et concernaient Caenorhabditis elegans, un petit ver nématode composé de seulement 959 cellules et de ce fait considéré comme un animal modèle pour l’étude du développement. Dans la même institution – le Massachusetts Institute of Technology (MIT) –, mais dans des laboratoires différents, ces chercheurs étudiaient des souches de vers présentant des anomalies dans leur développement. En examinant les causes moléculaires de ces défauts, l’équipe de Victor Ambros a fait une découverte surprenante : la mutation génétique à l'origine de certaines de ces altérations n'entraînait pas le dysfonctionnement d'une protéine comme on aurait pu le penser, mais affectait la production d'un ARN d'environ 20 nucléotides, taille insuffisante pour coder une protéine. C’est ainsi que le premier micro-ARN, baptisé lin-4, fut identifié.
L’équipe de Victor Ambros et celle de Gary Ruvkun ont ensuite établi le lien génétique et moléculaire entre lin-4 et le gène lin-14 dont la protéine était déjà supposée contrôler le développement du ver : lin-4 se lie à l’ARNm du gène lin-14 et inhibe la production de sa protéine. Ainsi, lin-4 joue un rôle dans la répression de l’expression du gène lin-14, et ce, à un moment clé du développement du ver. Un tel mécanisme d'action, bien qu’ignoré jusque-là, n'a pourtant pas suscité d’engouement de la communauté scientifique, probablement parce que lin-4 ne semblait présent que chez certains vers.
Quelques années plus tard, l’équipe de Gary Ruvkun, poursuivant son approche génétique du développement chez C. elegans, identifia un deuxième micro-ARN régulateur, let-7, qui contrairement à lin-4, était conservé à travers l’évolution chez de nombreux métazoaires, y compris chez l’être humain, laissant ainsi entrevoir des similitudes dans les mécanismes du développement d’une grande diversité d'espèces. Ces observations publiées en 2000 ont marqué le point de départ d'une véritable course à la découverte de nouveaux micro-ARN, permettant à de nombreuses équipes, dont celles de Victor Ambros, de dévoiler un univers de micro-ARN essentiels au contrôle de la vie cellulaire.
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Écrit par
- Jérôme CAVAILLÉ : directeur de recherche au CNRS
Classification
Média