PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2014
Le prix Nobel de physique 2014 a été décerné à trois physiciens japonais spécialistes de l’optoélectronique, ce domaine de la science des matériaux qui conçoit et étudie des composants électroniques capables d’émettre ou de détecter des signaux lumineux. Isamu Akasaki (né le 30 janvier 1929 à Chiran), Hiroshi Amano (né le 11 septembre 1960 à Hamamatsu) et Shuji Nakamura (né le 22 mai 1954 à Ikata) sont récompensés pour avoir réussi à fabriquer des diodes électroluminescentes (L.E.D., pour light emittingdiode) de couleur bleue.
Si les premières diodes à spectre visible ont été réalisées dès 1962, les couleurs de leurs rayonnements – le rouge, le jaune ou le vert – ne permettaient pas de tirer parti de leurs avantages – et en particulier de leur basse consommation – pour fabriquer des dispositifs d’éclairage blancs. Le défi que présentait la réalisation d’une L.E.D. bleue, qu’un revêtement luminophore peut transformer en source blanche, mobilisa donc les physiciens pendant plusieurs décennies.
Les techniques de croissance contrôlée des cristaux s’améliorèrent considérablement dans les années 1970. L’épitaxie en phase vapeur, malgré sa lenteur et son coût, permet en particulier de déposer des couches minces semi-conductrices par action d’un gaz sur un substrat approprié. Dès 1974, Akasaki contribue au développement de cette méthode dans le cadre du centre de recherche Matsushita à Tōkyō. En 1981, il est nommé professeur à l’université de Nagoya et concentre ses efforts sur la production du nitrure de gallium (GaN). Dans leur laboratoire d’électronique de cette université, Akasaki, Amano et leurs collaborateurs utilisent et perfectionnent la croissance des cristaux par épitaxie en faisant agir une vapeur organométallique sur divers substrats. En 1986, ils réussissent à obtenir des échantillons de cristaux de GaN de haute qualité optique ; la croissance cristalline y est provoquée sur une couche de nitrure d’aluminium (AlN), elle-même déposée sur un saphir (un oxyde d’aluminium de formule Al2O3). La structure sous-jacente du saphir et de la couche d’AlN guide la croissance du cristal de GaN, un semi-conducteur de la classe III-V dont l’arrangement cristallin est celui de la wurtzite. Le GaN est dopé de type p, avec des atomes de silicium, et de type n, avec des atomes de magnésium, ce qui permet à l’équipe d’Akasaki de réaliser en 1989 une diode émettant dans l’ultraviolet, longueur d’onde correspondant à une bande interdite de 3,4 électronvolts.
Après avoir soutenu sa thèse de doctorat à l’université de Tokushima, Nakamura poursuit avec succès des recherches similaires dans le laboratoire de l’entreprise Nichia à Tokushima, une compagnie spécialisée dans la fabrication de composants de lampes fluorescentes. La principale différence avec la technique de ses concurrents de Nagoya était le remplacement de la couche d’AlN par une seconde couche de GaN. La réalisation d’hétérojonctions à base d’alliages (AlGaN et InGaN) permit aux deux groupes d’améliorer significativement l’efficacité des processus d’émission dans les années 1990-1993. Les résultats publiés de 1994 à 1996 (la plupart dans le Journal japonais de physique appliquée) marquent l’invention des L.E.D. bleues et le début de la conquête du marché de l’éclairage et des écrans de télévision ou d’ordinateur par celles-ci.
L’invention des L.E.D. bleues dans son centre de recherche fit de Nichia la plus grande entreprise de fabrication de L.E.D. Mais Nakamura fut très peu associé aux gains de l’entreprise, ce qui conduisit les parties à un procès, lequel se conclut en 2004 par le versement de 8 millions de dollars au physicien. Entre-temps, Nakamura s’était établi aux États-Unis, était devenu professeur à l’université de Californie à Santa Barbara (U.C.S.B.) et avait acquis la nationalité américaine.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification