PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2015
Le physicien japonais Takaaki Kajita (né en 1959) et le physicien canadien Arthur B. McDonald (né en 1943) se partagent le prix Nobel de physique 2015 pour leurs contributions essentielles à la compréhension des propriétés des neutrinos, par deux expériences qui ont établi le phénomène appelé « oscillation des neutrinos ».
Les neutrinos sont les plus discrètes des particules élémentaires car leur charge électrique est nulle, leurs masses minuscules (même comparées à la masse de l’électron) et ils interagissent de façon extrêmement faible avec toutes les autres particules. Ils sont néanmoins omniprésents dans l’Univers car toutes les étoiles en produisent abondamment lors de leurs réactions nucléaires internes ; on estime qu’il y a en moyenne trois cents neutrinos dans chaque centimètre cube de l’Univers et que leur flux en provenance du Soleil atteint 65 milliards de particules par centimètre carré et par seconde au niveau de la Terre. Il existe trois types de neutrinos, chacun associé à un lepton chargé : le neutrino électronique (noté νe) associé à l’électron, le neutrino muonique (noté νµ) associé au muon et le neutrino taunique (noté ντ) associé au lepton tau. Dès les années 1960, par analogie avec ce qui est observé dans les systèmes de mésons K neutres, les théoriciens Bruno Pontecorvo et Vladimir Gribov avaient discuté la possibilité, pour un neutrino, d’osciller entre les diverses variétés leptoniques.
L’expérience menée par Kajita et par Masatoshi Koshiba (né en 1926, prix Nobel 2002) utilise le détecteur Super-Kamiokande, gigantesque réservoir contenant 22 500 tonnes d’eau ultrapure entourée de 11 146 tubes photodétecteurs de 50 centimètres de diamètre. Afin d’être protégé des particules cosmiques autres que le neutrino, cet ensemble est installé dans une profonde mine de zinc à Kamioka, près de la ville de Hida à l’ouest de Tokyo. L’article titré « Preuve de l’oscillation des neutrinos atmosphériques », publié en août 1998 dans la revue américaine Physical ReviewLetters, rend compte de l’analyse, effectuée par la centaine de physiciens japonais et américains de l’équipe, des données collectées pendant 535 jours. Les neutrinos atmosphériques (de types νe et νµ) sont principalement issus de la désintégration des mésons, eux-mêmes issus des collisions des rayons cosmiques avec les noyaux de la haute atmosphère. On estime le flux de chacun des deux types de neutrinos en mesurant le nombre d’électrons et de muons détectés après que les neutrinos ont interagi avec les noyaux atomiques présents dans l’eau du détecteur. Les physiciens observent une dépendance significative du nombre de muons avec l’angle zénithal solaire. Ils l’interprètent comme la disparition de neutrinos de type muonique lorsque leur trajectoire traverse le globe terrestre ; ce que l’on connaît des interactions des neutrinos avec les noyaux atomiques montre que cette disparition n’est pas due à la matière traversée, mais plutôt à la longueur du trajet (variant de 15 km à 13 000 km avec l’angle zénithal). Il s’agit donc d’un phénomène quantique d’oscillation entre au moins deux états de la matière susceptibles de se mélanger.
Le dispositif expérimental imaginé par McDonald et ses collaborateurs (principalement canadiens et britanniques) du laboratoire de Sudbury vise à détecter les neutrinos émis par le Soleil et à en caractériser leur type. Par une analyse fine des réactions induites par ces neutrinos sur les noyaux de deutérium contenus dans une sphère de 12 mètres de diamètre remplie d’eau lourde (D2O, D étant l’atome de deutérium, l’isotope lourd de l’hydrogène), ils démontrent qu’une part non négligeable des neutrinos de type νe produits par le Soleil se sont transformés en d’autres neutrinos pendant leur trajet vers la Terre.[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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Média