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PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2017

Inventer des outils performants

Pour détecter ces ondes gravitationnelles, il a fallu concevoir et construire des instruments d’observation très performants capables de réagir à des perturbations aussi infimes. Pour les observer, les détecteurs font interférer deux faisceaux laser (issus d’une même source) qui parcourent chacun plusieurs dizaines de fois un tunnel (appelé bras interférométrique). Les deux bras (de dimension identique) sont disposés perpendiculairement, ce qui est apparu comme la configuration la plus efficace pour de telles détections. Il en résulte que les faisceaux parcourent une centaine de kilomètres entre deux miroirs effectivement séparés de quelques kilomètres seulement. Ces miroirs constituent les masses sensibles au passage de l’onde gravitationnelle. Leurs minuscules vibrations modifient la distance parcourue par les faisceaux, et les interférences engendrées constituent le signal matérialisant le passage de l’onde gravitationnelle. La principale difficulté, qui limite les capacités des détecteurs, est de s’affranchir de toutes les vibrations parasites causées par les activités humaines, la météorologie, les vibrations du sol causées par le bruit sismique de notre planète, et même les vibrations intrinsèques dues à la nature quantique de la matière.

Les trois premières détections d’ondes gravitationnelles (GW150914, GW151226 et GW170104) ont d’abord été annoncées, conjointement, par les équipes scientifiques des deux détecteurs américains de LIGO. Une quatrième (GW170814) a également été observée par Virgo. Dans ce dernier cas, la triple détection permet de localiser la source sur le ciel par la méthode de triangulation. Par ailleurs, l’analyse de l’intensité et de la fréquence (toutes deux variables) du signal informe sur la nature du processus générateur : la fusion de deux trous noirs.

En dehors du fait que ces détections très attendues confirment la théorie de la relativité générale, les chercheurs ont été quelque peu surpris par la nature des phénomènes en jeu. En effet, chaque fois, il s’est agi de la fusion de deux trous noirs très massifs : 36 et 29 masses solaires pour GW150914 ; 14 et 8 masses solaires pour GW151226 ; 31 et 19 masses solaires pour GW170104 ; 31 et 25 masses solaires pour GW170814. On pensait a priori de tels événements plutôt rares et l’on s’attendait à détecter des fusions d’objets moins massifs, comme des étoiles à neutrons ou des trous noirs beaucoup moins lourds (avec une masse de l’ordre de deux ou trois fois celle du Soleil seulement). Ainsi, dès ses débuts, l’astronomie des ondes gravitationnelles, qui vient de voir le jour, apporte à l'astrophysique de nouvelles informations et pose également de nouvelles questions. On doit, par exemple, maintenant comprendre comment peuvent naître et évoluer des étoiles suffisamment massives (de l’ordre de cinquante fois la masse du Soleil) pour engendrer des trous noirs aussi monstrueux. Deux semaines aprés la proclamation de ce prix Nobel, a été annoncée une nouvelle détection d'ondes gravitationnelles provenant cette fois-ci de la fusion de deux étoiles à neutrons et pour laquelle des émissions de rayonnement électromagnétique (notamment en rayons gamma) ont été enregistrées simultanément. Les données croisées résultant de telles observations conjointes fournissent aux scientifiques des informations de nature entièrement nouvelle sur les phénomènes les plus violents du cosmos.

— Marc LACHIÈZE-REY

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École nationale supérieure de la rue d'Ulm, docteur en physique, directeur de recherche émérite au CNRS

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