PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2020
Le prix Nobel de physique 2020 a été décerné pour moitié au Britannique Roger Penrose, pour « la découverte que la formation des trous noirs est une prédiction robuste de la théorie générale de la relativité » selon les mots de l'académie suédoise, et pour l’autre moitié conjointement à l’Allemand Reinhard Genzel et à l’Américaine Andrea Ghez, pour « la découverte d’un objet compact supermassif dans le centre de notre Galaxie, autrement dit Sagittarius A* ». Les deux parties de ce prix sont fortement reliées, l’une déterminant les propriétés mathématiques de l’espace-temps autour d’un trou noir, l’autre mettant en évidence par l’observation l’existence du trou noir supermassif situé au centre de notre Galaxie, la Voie lactée.
Roger Penrose et l’existence mathématique du trou noir
Né le 8 août 1931 à Colchester, au Royaume-Uni, Roger Penrose obtient son doctorat en 1958 au St John's College, de l’université de Cambridge, sur les méthodes tensorielles en géométrie algébrique, sous la direction de John Arthur Todd qui est alors l’un des plus grands experts en géométrie algébrique. En 1965, à Cambridge, Roger Penrose se sert avec brio des mathématiques pour prouver que les trous noirs doivent effectivement se former par effondrement d’étoiles massives en fin de vie. De ces résidus singuliers, rien, pas même la lumière, ne peut s’échapper. Ses calculs, faisant l’objet cette même année d’une publication, ont prouvé que les trous noirs sont une conséquence inéluctable de la relativité générale d’Einstein.
Avant cet article de Roger Penrose, beaucoup d’astronomes pensaient encore que l’effondrement en trou noir n’était pas possible. Pourtant, en 1939, Robert Oppenheimer et Hartland Snyder avaient établi qu’au-delà d’un cœur de 1 à 3 masses solaires, tout équilibre était impossible et que le résidu de l’étoile devait s’effondrer en un seul point de densité infinie, créant ainsi ce qu’il est convenu d’appeler une singularité de l’espace. Mais cette issue paraissait si étrange que les astronomes la refusaient, pensant qu’une masse suffisante de matière, à cause de sa rotation ou de son asymétrie, pourrait s’échapper et que le résidu ne dépasserait pas alors cette limite. De plus, l’existence de trous noirs avait été contestée par la plupart des grands physiciens, dont Einstein lui-même, pour qui une pareille singularité était absurde.
Au début des années 1960, la découverte des quasars (astres ponctuels extrêmement lumineux) ébranle quelque peu ces opinions. En 1963, Maarten Schmidt montre qu’un de ces quasars est très lointain et plus lumineux que toute sa galaxie-hôte. Seul un trou noir pourrait être à l’origine de l’énergie rayonnée. Roger Penrose fait remarquer que le concept de trou noir existe aussi dans le cadre de la gravité de Newton. À la fin du xviiie siècle, John Michell puis Pierre-Simon de Laplace n’avaient-ils pas prédit l’existence de corps assez compacts pour que même la lumière ne puisse s’en échapper ? Penrose montre qu’en relativité générale même la pression des photons est équivalente à l’effet de la masse : on ne peut plus préserver l’équilibre en accroissant la pression, qui ne fait qu’accroître l’effondrement. Et les éventuelles asymétries de la matière en effondrement sont éliminées par rayonnement d’ondes gravitationnelles, si bien qu’il ne reste plus que la masse et la rotation pour caractériser le trou noir. Le théorème de Penrose démontre qu’au-delà de la limite de masse le résidu d’une étoile doit s’effondrer en trou noir, et qu'un horizon des événements (rayon d’où plus rien ne peut sortir, même la lumière) doit inévitablement se former. Tout ce qui se trouve à l'intérieur de cet horizon n'a qu'un seul avenir devant lui : tomber plus loin vers le centre. Dans le cadre de la relativité générale classique,[...]
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Écrit par
- Françoise COMBES : professeure au Collège de France
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Médias