PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2020
Andrea Ghez et la traque du trou noir de la Voie lactée
Andrea Mia Ghez est née le 16 juin 1965 à New York, mais elle grandit à Chicago. C’est là que les diverses missions Apollo sur la Lune l’ont inspirée dès l’âge de quatre ans, au point de vouloir devenir la première femme astronaute. Elle obtient en 1987 une licence en physique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) puis, en 1992, un doctorat au California Institute of Technology (Caltech) sous la direction de Gerald Neugebauer, l’un des pionniers de l’astronomie infrarouge. Andrea Ghez est professeure à l'université de Californie à Los Angeles.
Dès la décennie 1990, elle s’est attachée à suivre les étoiles autour de SgrA*. La compétition entre son équipe et celle de Reinhard Genzel a sans doute été profitable au progrès dans ce domaine, mais les deux groupes conviennent que leurs recherches, quoique indépendantes, n’interdisaient ni concertation ni collaboration. Andrea Ghez utilise également l’infrarouge proche et l'optique adaptative sur les deux télescopes Keck de 10 mètres de diamètre pour étudier les mouvements de l’amas d’étoiles situé autour de SgrA*. Depuis 1995, les articles se succèdent et les deux groupes prennent l’avantage tour à tour. En 1998, par exemple, Andrea Ghez et son équipe publient déjà une première estimation de la masse du trou noir central, en doublant le nombre d’étoiles connues et dont la trajectoire peut être suivie autour de SgrA*. Elle met alors en évidence une densité de masse si importante – de l’ordre de 1011 masses solaires dans un cube d’une année-lumière de côté autour de SgrA* – qu’il ne peut s’agir que d’un trou noir supermassif.
L’étoile S2, ayant une période de seize ans, donc déjà suivie sur plus d’une orbite par les équipes de Ghez et de Genzel, plusieurs décennies supplémentaires seront nécessaires pour mesurer avec précision la précession du péricentre de son orbite – c’est-à-dire le déplacement orbite après orbite du point de la trajectoire où l’étoile est la plus proche du trou noir. En octobre 2012, une autre étoile en orbite encore plus proche autour de SgrA*, S0-102, de treize ans de période, a été identifiée par Andrea Ghez, affinant la détermination de la masse du trou noir, soit 4,1 (± 0,6) millions de fois la masse du Soleil.
En juillet 2019, Andrea Ghez publie, à son tour, les résultats de ses observations au passage du péricentre de l’étoile S2, confirmant également une totale compatibilité avec la relativité générale d’Einstein. En janvier 2020, l’équipe a découvert, en orbite autour du trou noir, de mystérieux objets, ce qui ouvre des perspectives nouvelles pour comprendre le centre de notre Galaxie. Avec Aurélien Hees (Observatoire de Paris), le groupe a aussi pu donner des limites supérieures aux variations de la constante de structure fine – l'équivalent de la constante de la gravitation mais pour la force électromagnétique – pour la première fois au voisinage d’un trou noir, ici SgrA*.
Andrea Ghez, qui excelle dans la diffusion scientifique, a participé à de nombreux documentaires télévisés produits par la BBC, Discovery Channel ou The History Channel, et même dans un épisode de la série américaine de science-fiction Nova. En 2004, le magazine Discover l'a classée parmi les vingt scientifiques américains les plus doués de leur domaine.
Elle est la quatrième femme à remporter le prix Nobel de physique, après la Franco-Polonaise Marie Curie (1903), la Germano-Américaine Maria Goeppert Mayer (1963) et la Canadienne Donna Strickland (2018).
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Écrit par
- Françoise COMBES : professeure au Collège de France
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Médias