PROBABILITÉ SUBJECTIVE
La « prise de risque »
Sous la forme la plus simple, le risque désigne le niveau d'incertitude subjective à partir duquel un individu est prêt à s'engager dans une action particulière. De deux sujets qui sont prêts à s'engager dans l'action, celui qui pense qu'il a 5 chances sur 10 de succès (ψ = 0,5) prend un risque plus grand que celui qui pense avoir 7 chances sur 10 de succès (ψ = 0,7). Ainsi donc, dans ce cas particulier de probabilité subjective, celui qui prend un risque ne procède pas seulement à une estimation ou à un jugement, mais passe effectivement à l'action, par exemple en investissant une somme d'argent, en faisant un pari ou en effectuant une manœuvre particulière avec sa voiture sur la route. Selon les circonstances, différentes échelles peuvent être utilisées pour mesurer l'incertitude. On peut employer une échelle de ψ allant de 0 à n, dans laquelle les nombres de 0 à n correspondent aux succès attendus par le sujet au cours de n essais. Cette échelle peut alors être convertie en une échelle ψ allant de 0 à 1. L'étendue de l'échelle peut aussi aller de ψ = 0,5 (incertitude maximale) à 1 ( certitude maximale). On peut encore utiliser une échelle d'estimation à n valeurs, dans laquelle chaque point correspond à la confiance attribuée par le sujet à un certain résultat qui a eu lieu ou qui doit encore se produire.
Dans certaines situations, une telle estimation constitue une probabilité subjective du deuxième ordre. On dira que l'estimation du premier ordre, ψ1, représente l'estimation du nombre de performances réussies dans une tâche donnée, tandis que l'estimation du deuxième ordre ψ2 exprime la confiance de l'individu dans sa première estimation ; elle indique, pour ainsi dire, le degré de certitude que possède le sujet de sa propre certitude. Il est possible, en principe, d'obtenir des valeurs de ψ d'un ordre encore supérieur, mais leur mesure ne présente plus une fidélité suffisante. On peut admettre que toute affirmation, toute estimation ou tout jugement de la catégorie ψ1 émis par un sujet implique tacitement l'existence d'une certaine valeur de ψ2.
Il importe de distinguer le risque du danger. Dans de nombreuses situations, il est possible de mesurer le risque d'après la fréquence qu'un sujet estime avoir de tomber au-dessous d'un critère donné de réussite, tandis que le danger correspondant est mesuré par la fréquence effective selon laquelle le sujet tombe au-dessous de ce critère, cette fréquence étant établie à partir d'un échantillon représentatif d'occurrences. On peut considérer que le risque et le danger sont fonction l'un et l'autre à la fois de l'habileté de l'individu et du jugement qu'il porte sur cette habileté même.
La proportion de réussites qu'un individu espère atteindre dans une tâche donnée semble être effectivement liée à la difficulté de celle-ci. Considérons une tâche susceptible d'être graduée quant à sa difficulté et calibrée séparément pour chaque individu à partir de ses performances actuelles dans une série d'épreuves. En général, les sujets ne sont pas uniformément « réalistes » dans l' estimation de leurs réussites. Une série d'expériences montre que le réalisme du jugement est maximal à un niveau de réussite de 30 p. 100. Lorsque le taux de réussite est plus bas, les estimations sont exagérées et, lorsqu'il est supérieur, les estimations ont tendance à minimiser la performance actuelle. Dans les travaux et activités qui présentent un danger, il est possible de réduire la probabilité de dommage ou de catastrophe en optimalisant le rapport entre risque et danger.
Mais il reste un problème non résolu, celui de savoir si la tendance à prendre des risques est soit un[...]
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Écrit par
- John COHEN : professor of Psychology and Head of Department, University of Manchester, Royaume-Uni
Classification
Média
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