PROBABILITÉ SUBJECTIVE
Aspects génétiques
Les idées se rapportant au registre de la probabilité subjective ne surgissent pas toutes faites du cerveau de l'adulte, mais connaissent une longue histoire dont les débuts se situent dans la première enfance. Jusqu'à l'adolescence, on constate une régression graduelle des éléments subjectifs et une convergence corrélative vers les interprétations objectives, encore que le subjectif ne perde jamais entièrement ses droits. Cette convergence est imputable partiellement à la maturation et partiellement aux effets de l'apprentissage, ces derniers fournissant une connaissance des résultats et donc un renforcement. Vers l'âge de cinq ans, l'enfant utilise des mots comme « probablement » et d'autres expressions tirées du sous-langage de l'incertitude, pour indiquer, ne fût-ce que de façon ordinale, la probabilité subjective qu'il attribue à une possibilité particulière (par exemple, la possibilité que son jouet se trouve dans telle chambre ou dans telle autre). On peut mettre en évidence à ce propos des stades de développement que servent à illustrer les notions d'indépendance et de distribution.
Indépendance
D'une urne, dont on dit au sujet qu'elle contient des jetons bleus et des jetons jaunes, on extrait l'un après l'autre trois jetons, apparemment au hasard, deux de ceux-ci ayant la même couleur et le troisième l'autre couleur. La tâche du sujet consiste à deviner la couleur du quatrième jeton à extraire. De six à quinze ans, la tendance à prédire, pour le jeton suivant, la couleur non prépondérante diminue de façon régulière, tandis que s'affirme la tendance à déclarer que le quatrième jeton pourrait avoir indifféremment l'une ou l'autre couleur. Autrement dit, dans ces conditions, l'« effet négatif de récence » diminue avec l'âge.
Plus généralement, les enfants de moins de sept ans qui doivent prédire le résultat d'un événement binaire, au cours d'une série d'essais avec connaissance des résultats, ont tendance à prévoir B quand l'événement précédent est A, et réciproquement ; lorsqu'ils ne procèdent pas exactement de la sorte, ils se décident dans la plupart des cas en faveur du résultat jusque-là non prépondérant. Le choix de la réponse « opposée » est plus fréquent après une prévision exacte qu'après une réponse erronée. Chez les enfants plus âgés, cette tendance est moins marquée. Au-dessous de dix ans, les enfants distinguent très rarement un événement binaire dont le résultat est indépendant des résultats précédents (comme dans le jeu de pile ou face) d'un événement binaire dont le résultat dépend des résultats précédents à un degré variable (comme la prévision du temps atmosphérique à un moment particulier). La compréhension claire de l'indépendance des événements ou résultats n'apparaît qu'entre douze et quatorze ans.
Distribution
Une expérience caractéristique consiste à montrer à un sujet une urne contenant un nombre non spécifié de jetons bleus (B) et de jetons jaunes (J). La proportion relative des couleurs ne lui est pas fournie. Quatre jetons sont extraits de l'urne et placés dans une coupelle. L'opération est répétée jusqu'à obtenir seize échantillons comprenant chacun quatre jetons. La tâche du sujet consiste à deviner combien des seize coupelles contiennent 0, 1, 2, 3 ou 4 jetons bleus. L'analyse des réponses montre qu'entre dix et quinze ans il existe quatre stades dans le développement de l'idée de distribution. Au premier stade, les sujets assignent simplement des nombres différents aux cinq catégories ; au deuxième, c'est le nombre assigné à la catégorie (2 B, 2 J) qui prédomine ; au troisième on constate une tendance à assigner des proportions semblables à (1 B, 3 J) et à (1 J, 3 B), d'une part, et à (0 B, 4 J) et à (0 J, 4 B),[...]
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Écrit par
- John COHEN : professor of Psychology and Head of Department, University of Manchester, Royaume-Uni
Classification
Média
Autres références
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