RÉPÉTITION PROCÉDÉS DE, rhétorique
La répétition est un principe créateur universel régissant toute communication depuis l'unité minimale du signifiant (signes, lettres, sons) jusqu'aux ensembles les plus larges (un récit entier par exemple). Ses fonctions s'étendent de la mnémotechnie jusqu'à l'imitation de la structure circulaire du monde. Elle est facilement reconnaissable, et la rhétorique ne s'en émeut guère sauf si elle s'applique aux mêmes signifiés à travers des signifiants dissemblables, la plupart du temps par substitution ou par mise en rapport de contiguïté. Ces cas-là sont soigneusement répertoriés sous les rubriques des tropes et des figures comme la comparaison, l'allusion, l'allégorie, etc. La stylistique ne s'inquiète que de la limite entre redondance fâcheuse et plus-value esthétique, puisqu'elle peut assurer la réception optimale du message comme elle peut aussi procurer une charge émotionnelle à ce dernier.
Signes, lettres et sons répétés constituent l'élément musical ou rythmique de tout texte poétique : l'assonance, la rime, l'allitération et d'autres échos sonores le fixent, au niveau phonique (et aussi parfois pour l'œil s'il y a homographie), dans une forme : « Tout vers est versus, c'est-à-dire retour », affirme Marcel Cohen en parlant de la spécificité du poème par rapport à la prose. La répétition du même schéma rythmique (bâti sur une structure ternaire sous-tendue par une pulsation binaire) renforce l'effet mélancolique de ce vers de Corneille : « Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir. » De même, dans la poésie grecque antique, et à défaut de rimes, c'est l'isométrie des vers qui les rend musicaux. La répétition des strophes de même structure et les différentes formes du refrain accusent une volonté d'ancrer le poème dans un enchaînement virtuellement infini.
À ce niveau-là, le poème rejoint la prose dans la mesure où cette dernière permet le jeu sur les éléments sémantiques (telle une période qui est bâtie sur le parallélisme entre les idées par la réinsertion des termes de même sens et par sa forme rythmique). Pour la rhétorique classique, la répétition est un phénomène lié à l'espace du texte : Fontanier parle d'anaphore pour la réitération d'un terme en début de phrase et d'épiphore pour la répétition d'un terme à la fin de la phrase ou d'une section de la période. Si l'on reprend en début de phrase les mots qui terminent la phrase précédente, il s'agit alors d'une anadiplose. La réduplication d'un mot sert à souligner l'idée qu'il porte, la seconde occurrence peut introduire un nouveau motif (remotivation) ou une correction. Si la réduplication ne concerne que des conjonctions, la rhétorique parle de polysyndète.
Le truisme et le pléonasme procèdent non plus de la répétition matérielle du signifiant, seule l'idée est réintroduite. À l'inverse, seul le support matériel se trouve réintroduit — cette fois-ci au sens où réalité et matérialité se superposent — dans le cas du palimpseste.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Véronique KLAUBER : auteur
Classification
Autres références
-
ALLITÉRATION, rhétorique
- Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
- 148 mots
Figure de rhétorique consistant dans la répétition et le jeu des consonnes dans une suite de mots rapprochés. D'un emploi courant dans toutes les formes scandées du langage, comme le slogan publicitaire ou politique, et aussi en poésie, ce procédé a parfois valeur d'image phonique, comme...
-
ANAPHORE, linguistique
- Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
- 196 mots
Dans la rhétorique traditionnelle, figure de style qui consiste à répéter le même mot ou le même tour en tête de plusieurs membres de phrase, pour obtenir une symétrie ou pour donner plus de force à l'énoncé ; ainsi : Rome, l'unique objet de mon ressentiment, / Rome, à qui...
-
CHIASME, rhétorique
- Écrit par Véronique KLAUBER
- 162 mots
Le chiasme est une figure qui consiste à répéter, dans l'ordre inverse, une suite de syntagmes. L'échange symétrique peut concerner des termes identiques ou des fonctions syntaxiques analogues : « Non ut edam vivo, sed ut vivam edo » (dicton cité par Quintilien) ; « Gourmand de...
-
EUPHUISME
- Écrit par Georges GRANJOUX
- 1 589 mots
– Procédés euphoniques : une utilisation abondante de l'allitération, de l'assonance, quelquefois même de la rime, cela pouvant aller jusqu'à la répétition des mêmes termes ; de là, en grande partie, l'impression d'artificialité que laisse le style d'Euphues. - Afficher les 9 références