PROCÈS DE MAJESTÉ
Les premières lois et les premiers procès de majesté à la fin de la République
La première lex de maiestate daterait de 100 avant J.-C. (J.-L. Ferrary). Son auteur, le tribun populaire C. Appuleius Saturninus, la fait voter pour opposer à l'autorité toute-puissante du Sénat la majesté du peuple romain. Il désigne par là moins la cité tout entière que l'organe politique représentant les intérêts du peuple – les assemblées populaires et le tribunat de la plèbe –, par opposition à ceux qui défendent les intérêts de l'aristocratie – les autres magistratures et le Sénat. Par cette loi, les atteintes à la maiestas populi romani, c'est-à-dire les actes qui ont pour effet de « diminuer la majesté du peuple romain », deviennent un crime capital qu'un tribunal permanent (une quaestio, composée de jurés équestres) est chargé de réprimer, tranchant par là avec l'antique délit de perduellio (se conduire en ennemi de la cité), justiciable devant le peuple. Mais l'orientation populaire de la loi est rapidement contrecarrée par la chute de Saturninus. La réaction sénatoriale qui s'ensuit voit en effet se retourner l'accusation de majesté, puisque les premiers procès attestés, en 98 avant J.-C., concernent d'anciens partisans du tribun populaire. Cette orientation cosevatrice se trouve confirmée une dizaine d'années plus tard par la deuxième loi de majesté connue – lex cornelia de maiestate –, sous la dictature de Sylla. Celle-ci réunit, sous une même qualification pénale, des infractions commises soit dans l'exercice du pouvoir, soit contre le pouvoir, recouvrant ainsi la presque totalité des crimes d'État (I. Thomas). On voit donc que, dès l'origine, l'utilisation du crimen maiestatis est essentiellement politique, notamment du fait de l'imprécision du champ couvert par la notion. Si les Anciens peinent le plus souvent à en proposer une définition complète (voir la Rhétorique à Herennius et le De Oratore de Cicéron), les Modernes s'opposent quant à eux sur deux points : les liens entre le crimen maiestatis et le délit de perduellio, d'une part, et, d'autre part, l'existence d'une loi julienne de majesté (lex Iulia de maiestatis), que certains attribuent à César (J. E. Allison et J. D. Cloud), d'autres à Auguste (C. W. Chilton par exemple)– à moins qu'il ne s'agisse de deux lois différentes. Peu importe, au fond, pour notre propos, puisque l'essentiel réside dans le fait que cette loi, césarienne ou augustéenne, va servir de référence à toutes les accusations de lèse-majesté attestées sous l'Empire.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Xavier LAPRAY : agrégé d'histoire
Classification
Autres références
-
ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire
- Écrit par Yann LE BOHEC et Paul PETIT
- 35 262 mots
- 17 médias
...de plus en plus importante dans l'administration. À leur petite guerre de libelles, de moqueries et de pamphlets Domitien riposta par la terreur : les procès de majesté se multiplièrent contre les sénateurs (les délateurs étant largement récompensés), que condamnaient docilement leurs pairs épouvantés....