NUREMBERG PROCÈS DE
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Les accusés
À Londres encore, les Alliés peaufinent la liste de ceux qui seront mis en accusation. Nous sommes habitués aux noms des accusés, à leur photo en deux rangées dans le box, gardés par la police militaire américaine. Nous tenons cette liste pour évidente. Elle ne l'est pas, et fut établie sans véritable réflexion sur la nature de l'État nazi. Dix d'entre eux, faits prisonniers par les Britanniques ou les Américains, figuraient sur une première liste. En tête – et il fut bien la « vedette » parmi les accusés –, Hermann Göring, qui s'est rendu volontairement aux Américains. Avec lui, Rudolf Hess, à l'état mental incertain, aux mains des Britanniques depuis qu'il s'est envolé vers ce pays, le 10 mai 1941, pour offrir de son propre chef, prétendait-il, une paix séparée avant l'attaque de l'URSS ; Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères ; Robert Ley, dirigeant du Front allemand du travail, qui se pendra dans sa cellule de la prison de Nuremberg ; Wilhelm Keitel, chef du commandement suprême de la Wehrmacht, premier militaire à figurer sur la liste des accusés. Avec le sixième de la liste, Julius Streicher, nous changeons de registre. Certes, comme Göring ou Hess, il fait partie de la vieille garde nazie et a participé au putsch de Munich (1923), mais le Gauleiter de Franconie tient sa célébrité du journal qu'il a fondé en 1923, Der Stürmer, qui développe un antisémitisme violent et pornographique, aimant évoquer les supposées turpitudes sexuelles commises par des Juifs. Ernst Kaltenbrunner a remplacé Reinhard Heydrich après son assassinat par la résistance tchèque et dirige le Bureau central pour la sécurité du Reich. C'est donc de lui que dépendent camps de concentration et solution finale. Alfred Rosenberg, le théoricien nazi de l'antisémitisme, était, depuis 1941, ministre des Territoires de l'Est. Le juriste Hans Frank, le « bourreau de la Pologne » et l'ancien ministre de l'intérieur du Reich, Wilhelm Frick, ferment cette première liste. Tous, sauf Hess (condamné à la prison à vie et qui meurt en 1987, dernier prisonnier à Spandau), seront condamnés à mort. Les rejoignent le directeur de la Banque d'État (Reichsbank) Hjalmar Schacht ; l'artisan de l'annexion de l'Autriche en 1938 (Anschluss), Arthur Seyss-Inquart ; le dernier commandant en chef de la marine nazie, désigné par Hitler comme son successeur à la veille de son suicide, l'amiral Dönitz ; le successeur de Schacht à la tête de la Reichsbank, Walther Funk ; le chef des jeunesses hitlériennes, Baldur von Schirach. Enfin sont ajoutés les noms du maître d'œuvre du Service du travail obligatoire Fritz Sauckel ; du chef de l'état-major de la Wehrmacht Alfred Jodl ; deux diplomates, Franz von Papen et Constantin von Neurath ; Martin Bormann, qui remplaça à la chancellerie Hess, est le seul à être jugé par contumace ; l'amiral Erich Raeder, seul « gros poisson » aux mains des Soviétiques que cette situation humilie et qui exigent qu'au moins un autre de leurs prisonniers figure parmi les accusés. Ce sera Hans Fritzsche, un collaborateur de Goebbels au ministère de la Propagande, tout surpris de se retrouver parmi les dignitaires du régime et qui sera parmi les acquittés.
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Écrit par
- Annette WIEVIORKA : directrice de recherche émérite au C.N.R.S., U.M.R. identités, relations internationales et civilisations de l'Europe, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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