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PROCÈS POLITIQUES DANS LES DÉMOCRATIES POPULAIRES

Les procès politiques qui se sont déroulés dans les démocraties populaires de l'Europe de l'Est prennent leur origine dans le tournant de la guerre froide qui poussa Staline à intégrer celles-ci plus complètement à l'Union soviétique. On y passe de l'expérience nationaliste et gradualiste à la « dictature du prolétariat » en adoptant la thèse stalinienne de l'exacerbation de la lutte de classes dans la période de transition vers le socialisme, après la prise du pouvoir par le parti. À cela vient s'ajouter une autre thèse selon laquelle l'ennemi principal est dans le parti. La conclusion pratique est le primat du parti sur l'État ; de la section des cadres et de la sécurité sur les autres instances du parti ; enfin de la police soviétique sur les polices nationales.

Le détonateur du déclenchement des procès en série fut l'affaire yougoslave. À partir du 28 juin 1948, Tito et le « titisme » représentèrent pour le Kominform l'ennemi à abattre. Il fallait trouver des « Tito » dans les autres partis pour justifier l'état de siège et la pénurie. Ce fut donc la chasse aux communistes nationaux, reflétant en fait le besoin pour les « numéros un » de chaque pays, maintenus dans leurs fonctions, de trouver un bouc émissaire parmi leurs « numéros deux ». Sont plus particulièrement visés les anciens résistants de l'intérieur et des brigades internationales de la guerre d'Espagne. Dès l'été de 1948, Lucretiu Patrascanu en Roumanie, Władysław Gomułka en Pologne, Kotchi Dzodze en Albanie sont limogés et emprisonnés. Le 6 juin 1949, le dernier nommé est exécuté comme homme de Tito et de l'Occident, de Trotski et des puissances de l'Axe, comme saboteur de l'économie et espion, propagandiste et vulgaire gangster. Le délit de droit commun et les délits politiques s'amalgament : tertia non datur.

À l'automne de 1949, la résolution de Budapest du Kominform dénonce le Parti communiste yougoslave « aux mains des assassins et des espions » dans les termes mêmes qu'avait employés Staline en 1937 pour stigmatiser les « bandits et gardes blancs boukharino-trotskistes ». Elle se trouve immédiatement concrétisée par le procès « exemplaire » du Hongrois László Rajk en septembre (trois condamnations à mort) et celui du Bulgare Traïko Kostov, autre communiste autochtone, en décembre 1949. Kostov, brisé par les tortures morales et physiques, réussit cependant à nier ses aveux en public dans un dernier sursaut de dignité et de courage.

Désormais, la suspicion peut s'abattre sur tous, anciens résistants de l'intérieur comme de l'émigration, gradualistes ou partisans de la ligne dure, vieux communistes ou ralliés : le « complot permanent de l'impérialisme contre le camp socialiste » étend ses réseaux à tous ceux qui ont eu des contacts avec l'Ouest ou avec la Yougoslavie. Dès 1949, un nouveau foyer apparaît, le « cosmopolitisme sioniste », qui dépasse la spécificité titiste vu le nombre important de responsables d'origine juive dans les instances dirigeantes des partis communistes.

Selon le procès de Budapest, Rajk faisait partie d'un réseau qui étendait ses ramifications aux autres démocraties populaires. Par l'affaire des frères Field évoquée à ce procès, c'est la Pologne et l'Allemagne de l'Est qui sont touchées.

En janvier 1951, la Tchécoslovaquie est désignée comme centre du complot et « maillon faible du camp socialiste ». Le « Rajk tchécoslovaque » fut successivement le vice-ministre Artur London, ancien des brigades internationales et résistant en France, puis son supérieur, le « nationaliste bourgeois slovaque » Vladimir Clementis. Il fallait cependant viser plus haut pour être crédible : en novembre 1951, Staline et Mikoyan interviennent directement[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études

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