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PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONTEMPORAIN

Le tournant des « révolutions arabes »

L'existence, fin 2010-début 2011, de mouvements de protestations populaires massifs contre les dirigeants en place, en Tunisie d'abord, puis en Égypte ainsi que dans d'autres pays de la région, clôt ce « moment américain » au Proche-Orient, bien davantage que ne l'avait laissé augurer l'arrivée du démocrate Barack Obama à la tête de l'administration américaine en 2008.

Très vite, en effet – et malgré un changement de ton indéniable qui signe le retour des États-Unis vers la diplomatie et le multilatéralisme –, le nouveau président doit faire avec les changements structurels que l'interventionnisme guerrier de son prédécesseur a engendrés dans la région. En Irak, malgré le retrait annoncé des troupes américaines et l'organisation d'élections législatives en mars 2010, la situation sécuritaire et politique du pays est loin d'être stable. Huit mois sont ainsi nécessaires à la formation d'un nouveau gouvernement, qui débouche sur la reconduction du Premier ministre sortant Nouri Al-Maliki. Parallèlement, les attentats (contre la communauté chrétienne d'Irak, en particulier) se multiplient et alimentent un flux d'émigration toujours croissant.

Au Liban, une menace de paralysie des institutions politiques pèse sur le régime après la guerre de 2006, alors que deux visions du pays, de plus en plus difficilement conciliables, s'affrontent au travers de mobilisations de rue. Les élections législatives de 2009, censées permettre l'arbitrage du différend entre les deux camps, marquent la victoire de Saïd Hariri (fils de l'ancien Premier ministre assassiné) sur le Hezbollah et consacrent l'autonomisation de la communauté sunnite face à la Syrie et au « Parti de Dieu ». Néanmoins, l'opposition garde d'importants moyens de déstabilisation, dans un contexte de tensions croissantes liées à l'attente des conclusions rendues par le tribunal spécial pour le Liban. La nomination, en janvier 2011, d'un Premier ministre proche du Hezbollah, en atteste particulièrement.

Concernant les Territoires palestiniens, Barack Obama, alors qu'il a d'emblée replacé la question israélo-palestinienne au centre des préoccupations de son administration, peine à faire pression sur les deux parties pour qu'elles acceptent de reprendre des pourparlers directs ; ceux-ci sont néanmoins annoncés en grande pompe pour début septembre 2010. Mais il essuie un camouflet face au gouvernement israélien qui refuse de s'engager sur un arrêt de la colonisation en Cisjordanie durant la période d'éventuelles négociations. Sur le terrain, la politique d'obstruction israélienne au gouvernement Hamas installé à Gaza se durcit considérablement avec le lancement d'une opération militaire d'envergure (Plomb durci) sur ce morceau de territoire, en décembre 2008-janvier 2009. Largement condamnée par la communauté internationale, cette guerre – particulièrement meurtrière – ne règle aucune question politique sur le fond pour Israël. Côté palestinien, les tentatives de formation d'un gouvernement d'union nationale qui s'ensuivent échouent, rendant la partition territoriale et politique entre la Cisjordanie contrôlée par le Fatah et la bande de Gaza aux mains du Hamas de plus en plus structurelle.

C'est donc dans un contexte de fermeture – assez prononcée – des horizons politiques qu'un nouveau cycle historique s'ouvre pour les populations de la région au début de 2011. Les « révolutions » tunisienne, puis égyptienne, qui ont rapidement acculé au départ Zine el-Abidine Ben Ali (le 14 janvier 2011), puis Hosni Moubarak (le 11 février), les présidents de ces deux pays au pouvoir depuis plusieurs décennies, insufflent un vent de révolte nouveau dans les États[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
  • : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Sciences Po Aix

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Médias

Moyen-Orient : carte politique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Moyen-Orient : carte politique

Moyen-Orient, 1914 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Moyen-Orient, 1914

Soldats afghans - crédits : Capt. John Burke/ Hulton Archive/ Getty Images

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