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PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONTEMPORAIN

Les évolutions décalées de l'entre-deux-guerres

Moyen-Orient, 1930 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Moyen-Orient, 1930

Les années 1920 infléchissent le destin du Moyen-Orient dans des sens divergents selon que l'on considère les États arabes, pour la plupart soumis à la tutelle étrangère, ou les pays non arabes (Turquie, Iran, Afghanistan) qui parviennent à imposer leur indépendance et choisissent la voie d'une modernisation autoritaire. La renaissance turque est sans doute la plus vigoureuse. Elle se nourrit d'une lutte de libération qui élargit l'assise populaire du nationalisme et dessine les contours d'une nouvelle territorialité. Car Mustafa Kemal a très vite renoncé à reconstituer l'Empire et refusé les fantasmes pantouraniens de ceux qui rêvaient d'unifier les populations turcophones d'Asie centrale. Le succès du kémalisme tient en partie au réalisme de ce choix. Il doit également beaucoup à l'héritage ottoman. Lorsqu'il adopte le slogan de Ziya Gökalp, « turquiser, moderniser, occidentaliser », Kemal se place dans la lignée des Jeunes-Turcs, dont il est le disciple direct, et s'appuie sur une armée et sur un appareil d'État dont il hérite au sortir de la guerre. Le kémalisme entend porter le changement au cœur même de la société, sur la base d'un système politique autoritaire et centralisé, dans lequel le règne du parti unique n'est tempéré que par le paternalisme charismatique d'Atatürk. Pourtant, loin de choisir la voie d'une mobilisation de masse, le régime a noué, à la faveur de la lutte nationale, une alliance avec la bourgeoisie terrienne et commerçante. Ce choix politique explique sans doute la timidité de la réforme agraire, si on la compare du moins à certaines expériences arabes ultérieures. Il ne se démentira pas au cours des années 1930, alors même que l'État intervient directement dans le champ économique et construit un puissant secteur public, fer de lance de l'industrialisation du pays. Si le régime a su préserver ses liens avec les vieilles élites économiques, il en est allé très différemment de ses rapports avec les milieux religieux conservateurs, initialement mobilisés eux aussi dans la lutte contre l'envahisseur infidèle. La rupture avec les oulémas apparaît à la fois comme la cause et la conséquence d'une politique de laïcisation restée sans équivalent jusqu'à ce jour dans un État musulman. Laïcisation des institutions d'abord. Elle se fait par étapes : en mars 1924, le califat est aboli ; aux termes de la Constitution de 1928, l'islam cesse d'être reconnu comme religion d'État ; en 1937, enfin, la laïcité est explicitement revendiquée comme l'un des fondements de la république de Turquie. Au-delà même du champ institutionnel, l'État kémaliste s'applique à restreindre l'influence sociale de l'islam par la suppression des madrasa en 1924, l'interdiction des confréries en 1925 et la laïcisation en 1926 du statut personnel, qui interdit la répudiation et la polygamie et introduit le mariage civil. Ces mesures s'accompagnent de la volonté de contrôler l'islam officiel en créant un « clergé républicain » peu susceptible de constituer un pôle d'opposition au pouvoir.

En Perse comme en Afghanistan, les évolutions de l'entre-deux-guerres offrent quelques différences fondamentales avec celle de la Turquie. Car les indépendances y furent concédées autant que conquises, et aucune véritable guerre de libération n'est venue y enraciner l'État dans la nation. La Perse doit son émancipation à l'effacement de la Russie au lendemain de la révolution bolchevique, alors même que la Grande-Bretagne, affaiblie par la guerre, ne parvient plus à contrôler l'ensemble du Moyen-Orient. Dans un pays où le mouvement national reste minoritaire et fragmenté, les Anglais favorisent en 1921 la prise de pouvoir par les Cosaques[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
  • : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Sciences Po Aix

Classification

Médias

Moyen-Orient : carte politique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Moyen-Orient : carte politique

Moyen-Orient, 1914 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Moyen-Orient, 1914

Soldats afghans - crédits : Capt. John Burke/ Hulton Archive/ Getty Images

Soldats afghans

Autres références

  • ABBAS MAHMOUD (1935- )

    • Écrit par et
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    Homme d’État palestinien, Mahmoud Abbas a été Premier ministre de l’Autorité palestinienne en 2003, sous la présidence de Yasser Arafat, avant de succéder à ce dernier en 2005.

    Mahmoud Abbas est né le 26 mars 1935 à Safed, ville de haute Galilée, aujourd'hui située à l'intérieur des frontières...

  • ABDALLAH IBN ‘ABD AL-‘AZĪZ (1923 ou 1924-2015) roi d'Arabie Saoudite (2005-2015)

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    Roi d’Arabie Saoudite de 2005 à 2015.

    Le 1er août 2005, le prince Abdallah ibn Abd al-Aziz ibn Abd al-Rahman al-Saoud devient roi d'Arabie Saoudite, après le décès de son demi-frère, le roi Fahd. Né en 1923 ou 1924 selon les sources, il est l'un des fils du roi Abd al-Aziz ibn Saoud, le...

  • ACCORDS DE WASHINGTON

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    La fin de la guerre froide a modifié les données du conflit du Proche-Orient. Après la guerre du Golfe, les États-Unis poussent Israël à participer à une conférence de paix. Le retour au pouvoir des travaillistes israéliens, en 1992, facilite la conclusion des accords secrètement négociés...

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