- 1. L'agonie des empires
- 2. Les évolutions décalées de l'entre-deux-guerres
- 3. Guerre froide et conflit israélo-arabe
- 4. Des États « autoritaires-modernisateurs »
- 5. Percées saoudiennes
- 6. L'ébranlement iranien
- 7. Fin de l'ère bipolaire et nouvel ordre régional arabe
- 8. États consolidés, régimes contestés
- 9. Le « moment américain » au Moyen-Orient
- 10. Le tournant des « révolutions arabes »
- 11. Bibliographie
PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONTEMPORAIN
L'ébranlement iranien
Depuis son accession au pouvoir en 1941, Mohamed Reza Pahlavi a poursuivi la modernisation autoritaire de l'Iran entreprise par son père. Un capitalisme d'État nourri par la rente pétrolière assure un développement économique à marches forcées, qui donne la priorité à l'industrie lourde et aux grands projets d'équipement. Si la croissance globale permet de faire passer le revenu moyen par habitant de 200 dollars en 1963 à 1 000 dollars en 1970, elle n'en exacerbe pas moins les inégalités sociales, symbolisées par l'enrichissement d'une bourgeoisie affairiste souvent proche du Palais. En dépit de son attachement aux projets industriels de prestige, l'État ne néglige pas le développement rural, si l'on en croit le programme de « révolution blanche » lancé en 1962-1963. Il prévoyait une réforme agraire, au demeurant modérée et progressive, accordait le droit de vote aux femmes, créait enfin une « armée du savoir » chargée d'alphabétiser les campagnes. Le pouvoir entendait ainsi désamorcer tout risque de révolution, qu'il s'agisse de révolution rouge ou de révolution noire, celle du clergé, toutes deux également redoutées du souverain. C'est bien cette double opposition qui se renforce au cours des années 1970. Elle rejette la dépendance accrue de l'Iran à l'égard des États-Unis, car le shah, personnellement très attaché à la modernisation de l'armée, a fait de l'Iran l'un des piliers de la stratégie américaine au Moyen-Orient. Elle se mobilise également contre la dictature politique, incarnée par la Savak, la police secrète du régime, contre le développement inégal et la corruption, contre l'aliénation culturelle enfin, qui déstabilise en profondeur la société iranienne. La crise économique que traverse le pays favorise la conjonction des oppositions, mais c'est l'alliance entre les bazaris et le clergé qui assurera le triomphe final de la révolution, en utilisant le potentiel émotionnel du chiisme pour mobiliser les masses urbaines. Ajoutons que la singularité de la révolution islamique iranienne réside également dans l'alliance entre une intelligentsia islamo-marxiste très imprégnée de tiers-mondisme, dont Ali Shariati pourrait fournir l'exemple, et un clergé lui-même très divisé entre le libéralisme d'un Shariat Madari, le fondamentalisme d'un Motahhari et l'activisme d'un Khomeyni.
La constitution de la république islamique instaure un régime parlementaire présidentialiste dans lequel les religieux forment une manière de conseil constitutionnel chargé de vérifier la conformité des lois avec la charia. Le guide de la révolution lui-même apparaît plus comme l'arbitre suprême que comme le chef politique du pays. Si le texte constitutionnel fait de la charia la loi de l'État, les applications concrètes en sont très variables selon les domaines. Ainsi, les sanctions pénales prévues par la loi de l'islam, comme l'amputation de la main des voleurs ou la lapidation des coupables d'adultère, ont été réintroduites. En revanche, les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes, même si la mixité est refusée, et aucune discrimination légale ne frappe les minorités religieuses.
À peine consolidé, le nouveau régime iranien entre dans un long conflit avec son voisin irakien. Les différends sont nombreux entre les deux pays : litige territorial sur la frontière du Chatt el-Arab, antagonisme traditionnel entre nationalisme arabe et nationalisme persan, ambitions hégémoniques rivales sur le Golfe. Mais c'est peut-être dans l'affrontement entre le modèle iranien d'État islamique et l'arabisme laïcisé du Baas que réside le véritable enjeu des combats. En dénonçant l'accord d'Alger de 1975 qui[...]
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Écrit par
- Nadine PICAUDOU : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
- Aude SIGNOLES : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Sciences Po Aix
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