- 1. L'agonie des empires
- 2. Les évolutions décalées de l'entre-deux-guerres
- 3. Guerre froide et conflit israélo-arabe
- 4. Des États « autoritaires-modernisateurs »
- 5. Percées saoudiennes
- 6. L'ébranlement iranien
- 7. Fin de l'ère bipolaire et nouvel ordre régional arabe
- 8. États consolidés, régimes contestés
- 9. Le « moment américain » au Moyen-Orient
- 10. Le tournant des « révolutions arabes »
- 11. Bibliographie
PROCHE ET MOYEN-ORIENT CONTEMPORAIN
Fin de l'ère bipolaire et nouvel ordre régional arabe
Les mutations de la géopolitique mondiale à l'aube des années 1990 trouvent un écho direct dans un Moyen-Orient plus dépendant que jamais du jeu des grandes puissances. L'effondrement de l'acteur soviétique et la domination exclusive des États-Unis contribuent à recomposer l'équilibre des forces locales. L' Égypte est devenue l'allié stratégique de Washington et joue désormais le rôle dont Sadate avait rêvé pour elle depuis 1973. Elle a été officiellement réintégrée sur la scène politique arabe sans que soit remis en cause le traité qui la lie à Israël. La Syrie perd au contraire ses atouts des années 1980 dès lors que Le Caire et Bagdad retrouvent leur place traditionnelle. La fin du patronage soviétique ne lui permet plus d'envisager une hypothétique parité stratégique avec Israël. La carte palestinienne lui échappe depuis que l'intifada de 1987 a rendu son autonomie à l'O.L.P. et rétabli une certaine unité des rangs palestiniens.
Au Liban toutefois, Damas finit par imposer sa solution avec la bénédiction des Saoudiens. Les accords de Taëf, qui mettent fin à la guerre civile en octobre 1989, reprennent en substance les propositions défendues par Damas depuis 1976 : la parité entre chrétiens et musulmans dans l'attente d'une hypothétique déconfessionnalisation politique, l'instauration de liens privilégiés entre Beyrouth et Damas et le redéploiement de l'armée syrienne dans la plaine de la Beqa. En 1992, un « traité de fraternité et de coopération » scelle définitivement le protectorat syrien sur un Liban dont la souveraineté n'est plus qu'une fiction juridique internationale. Mais la présence syrienne au Liban est surtout une partie constitutive de l'édifice politique interne : le pouvoir alaouite de Damas doit contrebalancer le déficit institutionnel de représentation politique des Libanais chiites. Enfin, Damas cherche, par sa mainmise, à maintenir la pression sur Israël en utilisant les capacités de nuisance du Hezbollah. De fait, les opérations militaires récurrentes de ce dernier à la frontière nord avec Israël contraignent l'État hébreu à se retirer unilatéralement du Sud-Liban en mai 2000 (à l'exception des fermes de Chebaa).
Au Yémen, l'heure est à l'unification du Nord et du Sud à la suite de la disparition du « grand-frère » soviétique. La république du Yémen est ainsi proclamée en mai 1990. Une guerre civile s'ensuit en 1993-1994, dont l'aboutissement ne remet pas en cause l'unité nationale, mais est loin d'apaiser les tensions.
L' Irak enfin se trouve placé dans une position ambivalente. Son potentiel militaire a été singulièrement renforcé par le conflit avec l'Iran (1980-1988), et le régime entend s'en prévaloir pour mener une politique de puissance régionale dans le Golfe mais aussi sur le terrain israélo-arabe. Le pays n'en est pas moins sorti très affaibli de la guerre, et les besoins de la reconstruction sont énormes. Le régime irakien espère une nouvelle fois le soutien des monarchies du Golfe qui ont financé sa guerre contre l'Iran. Il exige l'abrogation de la dette ainsi qu'une aide à la reconstruction, le « prix du sang » en quelque sorte, en faveur d'un pays qui fut le rempart des régimes de la péninsule contre la déstabilisation iranienne. De surcroît, Saddam Hussein s'affirme convaincu que le Koweït et les Émirats, dont la surproduction pétrolière fait baisser les prix, mènent contre son pays une véritable guerre économique. Il est tentant, dans ces conditions, de mettre en avant de vieilles revendications territoriales sur les îles de Bubyan et Warba, pour justifier l'invasion du Koweït le 2 août 1990. La réaction de l'Occident est brutale. On invoque le viol inacceptable de la souveraineté d'un État dans une région où abondent[...]
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Écrit par
- Nadine PICAUDOU : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
- Aude SIGNOLES : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Sciences Po Aix
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