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PRODICOS (entre 470 av. J.-C. et 460-apr. 399 av. J.-C.)

Sophiste ionien originaire de Julis, dans l'île de Céos, Prodicos est surtout connu par les dialogues de Platon. Socrate, le louant et le ridiculisant à la fois, dépeint Prodicos comme un frileux Tantale dont, tout omniscient, ou omnisage, et divin qu'il soit, la voix de basse produit un bourdonnement qui rend ses paroles indistinctes (Protagoras, 315 d, e). C'est pourtant avec sa voix qu'il gagnait célébrité et richesse, vendant cinquante drachmes sa grande leçon, à Athènes par exemple, où il vint souvent en ambassade (Hippias majeur, 282 c). Outre Antisthène et Callias, il y aurait eu pour élèves Isocrate et, peut-être, Euripide et Xénophon. Socrate, qui l'appelle « compagnon », aurait écouté, entre autres innombrables discours, sa petite leçon à un drachme (Cratyle, 384 b) ; mais le passage du Ménon (96 d) qu'on invoque traditionnellement pour affirmer que Socrate fut, dans l'histoire et dans le progrès de la pensée, l'élève de Prodicos comme Ménon celui de Gorgias peut s'interpréter aussi dans le contexte platonicien comme rappel de la doctrine sophistique de l'opinion. Si Prodicos n'a « pas suffisamment éduqué » Socrate, c'est que l'éducation qu'il peut donner est insuffisante, convenant à ceux que la maïeutique socratique ne pourrait faire accoucher d'une science (Théétète, 151 b).

C'est donc d'abord à travers le miroir déformant de Platon qu'on connaît la pensée de Prodicos : il enseignait la « rectitude des noms » (Euthydème, 277 e) et, en particulier, il faisait distinguer entre les synonymes apparents (Protagoras, 337 a et 340 e ; Lachès, 197 b ; et aussi Aristote, Topiques, B, 112 b 22), et ce jusque dans le vocabulaire technique de la médecine comme en témoigne Galien (De virt. phys., II, 9). Mais Galien, ainsi que le Suda, le considère comme un « philosophe physique », ayant écrit « sur la nature » avec Mélissus, Parménide, Empédocle, Alcméon ou Gorgias. Les moqueries d'Aristophane semblent impliquer également qu'il s'occupait d'astronomie (Les Nuées, 360) et de cosmogonie (Les Oiseaux, 692). Quelques rares sources (en particulier Sextus, Contre les mathématiciens, IX, 18, 51, 39-41 ; et Thémistios, trentième Discours) s'accordent pour attribuer à Prodicos une théorie sur l'origine utilitaire de la religion, selon laquelle l'eau comme le pain, indispensables à la vie, seraient devenus Poséidon, Déméter, etc. Des œuvres qu'on lui attribue (Sur la nature, Sur la nature de l'homme et Les Heures), nul fragment ne nous est parvenu qu'une paraphrase de Xénophon (Mémorables, II, 20-34) : Héraclès, à la croisée des chemins de la vie, voit s'approcher deux femmes, le Bonheur, dont l'autre nom est Vice, et la Vertu. Cet apologue, aussi conformiste que sont scandaleux les Éloges de Gorgias, est devenu l'un des thèmes les plus rebattus de l'Antiquité, qu'imitent notamment Maxime de Tyr, Dion Chrysostome, Lucien, Grégoire de Naziance, Philon, Clément d'Alexandrie. Comme chez Gorgias pourtant, il s'agit de notions essentielles à la pensée grecque, telles l'apparence, l'excellence ou l'éducation. La doxographie, à l'œuvre ici comme un processus violent de transformation obéissant à des soucis divergents, rend bien difficile une reconstitution systématique : Prodicos serait sophiste en ce qu'il s'occupe essentiellement du langage, qu'il s'agisse du nom des plaisirs ou de celui des dieux, et de sa force de persuasion, mais le sophiste le mieux assimilé par Platon ou Aristote en ce qu'il cherche à réduire son équivocité.

— Barbara CASSIN

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