PRODUCTEUR DE MUSIQUE
L’essor des labels de musique dans les années 1940-1950
Les débuts du rhythm and blues et l’apparition du 45-tours
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la musique noire américaine s’appuie sur les rythmes séculaires du blues, avec un son plus chaud et plein, dû au fait que les musiciens jouent ensemble dans une même pièce. Ce nouveau style s’appuie sur une culture urbaine en plein essor et les ambiances de bars, de clubs et de rues. Le rhythm and blues – terme inventé par le journaliste et futur producteur Jerry Wexler en 1949 et qui met fin à l’emploi de l’humiliante expression race records, utilisée pour désigner les disques destinés à un public noir – émerge avec la libéralisation des mœurs dans ce nouveau monde urbain qui entraîne la transformation des styles traditionnels comme les chansons des travaux agraires et les negro spirituals des églises de campagne. Le nombre de morceaux consacrés aux rapports intimes et aux excès de boisson témoigne de ce nouveau regard sur le monde, à l’image de « Good Rockin’ Tonight » de Roy Brown, en 1947. L’apparition des studios d’enregistrement, des labels indépendants, des radios et des instruments amplifiés participe à l’émergence du rhythm and blues. Louis Jordan incarne comme nul autre le jump-blues, une sorte de rhythm and blues énergique qui contraste avec les harmonies des groupes vocaux issus de la côte Est, comme les Five Royales, les Coasters ou les Dominoes.
Cette musique se répand comme une traînée de poudre dans les villes américaines, posant les bases du rock and roll. Bien plus qu’un nouveau style musical, elle jette des ponts culturels entre le Sud, le Nord industrialisé et la côte Ouest. Cette évolution échappe aux majors comme RCA Victor, du moins jusqu’au rachat du contrat d’Elvis Presley en 1956. En revanche, les labels indépendants comme Capitol, King, Imperial, Aladdin, Sun, Peacock ou Aristocrat (dont les noms mêmes évoquent le succès) sont réactifs et ancrés dans les villes et les quartiers noirs, car ils sont directement en lien avec les magasins de disques ou les clubs, à même de connaître les moindres changements de goût du public.
Ce succès, comme celui du rock and roll émergent, est possible grâce à l’avènement du format 45-tours en 1949 et la commercialisation du transistor au début des années 1950. Au cours des deux décennies qui suivent, le rôle de producteur musical va devenir une véritable profession et susciter de multiples vocations comme le montrent le nombre exponentiel d’enregistrements réalisés et la création de nombreux labels.
Ces patrons de label sont intéressés par la perspective commerciale de diffuser leurs disques sur les ondes et les juke-box. Il faut donc enregistrer la musique dans un studio, faire presser des disques à partir de la bande master originale, les distribuer et les promouvoir, pour enfin espérer, avec l’aide d’un bon contact, être diffusé sur les ondes, tout en sachant que la grande majorité des disc-jockeys blancs ne se montrent pas encore réceptifs à la musique noire.
Syd Nathan et King Records
Hypocondriaque et juif dans une Amérique blanche, pleine d’allant et protestante, le producteur Syd Nathan (1904-1968) a toujours su vaincre l’adversité. Cet ancien vendeur de meubles et quelques autres entrepreneurs indépendants ont favorisé l’émergence du rhythm and blues, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Originellement consacré à la musique « country, folk et bluegrass », le label King s’ouvre rapidement à la musique noire. Businessman avisé, Nathan est à l’écoute des clients de son magasin de disques du centre de Cincinnati (Ohio). L’engouement grandissant, chez les Noirs comme chez les Blancs, pour le rhythm and blues favorise son succès. Nathan fait circuler les chansons entre ses artistes au sein d’une écurie qui compte autant d’artistes noirs que blancs et se montre extrêmement[...]
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Écrit par
- Florent MAZZOLENI : auteur
Classification
Médias
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