PRODUCTEURS DU SUD-OUEST, Amérique du Nord

Dans le sud-ouest de l'Amérique du Nord, les sociétés de producteurs préhistoriques, qui se manifestent à l'Archaïque supérieur, sont très différentes de celles de l'Est. Elles sont apparues, il y a environ 3 500 ans, dans le territoire correspondant aujourd'hui à l'Arizona, au Nouveau-Mexique, au sud-est de l'Utah et au sud-ouest du Colorado. Elles furent d'abord désignées sous le terme général de Basketmakers (les Vanniers), en raison des nombreuses et étonnantes vanneries conservées dans les gisements grâce à la sécheresse du climat. Les paysages de ces contrées, très variés, sont constitués de montagnes culminant à 4 000 mètres, de plateaux, de canyons, de larges vallées ou de plaines situées presque au niveau de la mer. Ces régions se caractérisent par une aridité ou une semi-aridité prononcées (les précipitations annuelles varient de 16 à 50 cm) et une absence de grand cours d'eau navigable qui contrastent avec les paysages de fleuves et de forêts de l'Est. La domestication progressive et la culture des plantes nécessitèrent donc, très tôt, d'importants travaux d'irrigation afin de tirer le meilleur parti d'une courte période de croissance. Les Pueblo modernes descendent en partie des populations préhistoriques du Sud-Ouest. Leurs villages et leurs sociétés, qui étonnèrent les colons européens et les premiers ethnologues, servirent de modèles ethnographiques pour l'interprétation des données archéologiques. Mais cette projection de l'ethnographie dans la préhistoire est de plus en plus contestée, car il apparaît, par exemple, que les villages préhistoriques n'étaient pas aussi indépendants les uns des autres que ceux de la période de contacts avec les Européens et que l'organisation sociale y était beaucoup moins égalitaire. Les modifications de la société et du mode de vie, provoquées par l'impact d'une colonisation pourtant moins dense qu'ailleurs aux États-Unis, ont été sous-estimées. Aujourd'hui, le mot espagnol pueblo (village) désigne des Amérindiens installés dans des villages, partageant les mêmes croyances religieuses et le même mode de subsistance, mais parlant six langues appartenant à différentes familles linguistiques. Ce contraste entre l'homogénéité culturelle et l'hétérogénéité linguistique caractérise le Sud-Ouest. La complexité et la variabilité de facteurs environnementaux très contraignants ont fortement influencé les systèmes culturels préhistoriques, leurs différenciations régionales ainsi que leur évolution.

La domestication de certaines plantes, commencée il y a 7 000 ans au Mexique, est sans doute venue de ce pays, dont le Sud-Ouest est le prolongement naturel : le maïs, la courge, divers haricots, le coton pour sa fibre et ses graines, les amarantes. L'agave, l'orge sauvage, le tabac furent plutôt l'objet de domestications autochtones, et d'autres espèces, comme le tournesol et le cactus « griffe du diable », furent intensivement exploitées sans être toujours cultivées. Parmi les animaux, c'est essentiellement la dinde qui fut domestiquée pour sa viande et ses plumes. Toutefois, et c'est une particularité importante qu'il faut souligner, dans le sud-ouest encore plus que dans l'est de l'Amérique du Nord, la production de nourriture, complétée par son entreposage, n'a jamais constitué qu'un complément régulateur de ressources alimentaires fluctuantes, provenant principalement de la chasse et de la cueillette. La domestication des plantes, ébauchée il y a au moins 5 500 ans, s'est développée progressivement pendant plusieurs millénaires sans modifier l'essentiel du mode de subsistance. Elle ne peut donc être comparée à la « révolution néolithique » en Europe et au Proche-Orient, dont Gordon Childe fut le théoricien.[...]