PRODUCTION DE MOTS (psycholinguistique)
À l'écrit
La production de mots à l'écrit chez des adultes, au contraire de celle orale, résulte d'une acquisition formalisée et relativement longue. Le degré de stabilité dans les correspondances entre les sons (par exemple /o/) et les lettres ou groupes de lettres (o, au, eau) varie selon les systèmes orthographiques. Pour des systèmes orthographiques opaques, comme le français, la production orthographique lexicale reste difficile, et sa maîtrise n’est jamais achevée, même chez des adultes cultivés.
Les recherches sur la production verbale écrite sont moins nombreuses que celles sur la production à l'oral. Pour l'essentiel, les études données, relatives aux niveaux de traitement, proviennent de l'analyse de performances orthographiques chez des patients cérébro-lésés. Certains des niveaux de traitement identifiés pour la production verbale sont communs à l'oral et à l’écrit, en particulier les niveaux conceptuel et lexical (niveau des lemmas). Toutefois, produire par écrit un mot nécessite de récupérer deux types d'informations au minimum : l'identité des lettres du mot et leur ordre (par exemple, pour écrire le mot « train », il convient de récupérer les lettres a, i, n, r et t, puis être capable de les produire dans le bon ordre : t, r, a, i, n). Les lettres sont aussi codées en mémoire relativement à leur statut de consonne ou de voyelle. Par ailleurs, les lettres doublées seraient encodées différemment d'autres lettres adjacentes (ss dans le mot « bassin » versus rd dans « jardin »). Ainsi, au lieu de représenter deux fois la même lettre (s + s dans « bassin »), un trait indiquant son doublement serait codé en mémoire (s + « doublement »).
Une question qui préoccupe les chercheurs est celle de savoir si les informations phonologiques jouent un rôle dans la production de l'orthographe. La conception traditionnelle stipule qu’avant de pouvoir écrire un mot sa forme sonore serait d’abord récupérée et qu’ensuite elle serait convertie en lettres avant de faire l’objet d’une activité d’écriture manuscrite ou d’une succession de frappes sur les touches d’un clavier. Cette hypothèse d’une médiation phonologique obligatoire est aujourd’hui remise en question à la suite de l’étude des performances orthographiques de patients cérébro-lésés. Ces études ont conduit à formuler l'hypothèse selon laquelle les codes orthographiques peuvent être récupérés directement à partir des informations conceptuelles, donc sans médiation phonologique. Toutefois, sans être obligatoires pour produire l'orthographe des mots, les codes phonologiques pourraient jouer un rôle dans l'encodage orthographique, rôle qui devra être précisé par d'autres recherches.
Comme en production verbale à l'oral, les facteurs les plus importants qui jouent un rôle sur la vitesse et la précision des réponses sont la codabilité, la fréquence lexicale et l'âge d'acquisition des mots. Les recherches sur les substrats neuronaux de la production verbale écrite de mots sont moins nombreuses que celles disponibles sur la production verbale à l'oral. Il en va de même de celles concernant la dynamique d'activation neurale.
Les recherches futures sur la production verbale de mots, à l'oral comme à l'écrit, devront mieux préciser encore la dynamique d'activation des unités impliquées dans la fabrique des mots et les substrats neuronaux qui sous-tendent les mécanismes de la production verbale.
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Écrit par
- Patrick BONIN : professeur des Universités en psychologie cognitive, université de Bourgogne
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