PRODUCTION, économie
Les contours de la production
La grande stabilité conceptuelle de la production comme activité économique contraste nettement avec la délimitation extrêmement variable de la production comme résultat de cette activité.
Pour François Quesnay, seule l'agriculture est réellement productive parce qu'elle seule dégage un produit net. Adam Smith critique aussitôt cette délimitation étroite de la production. Il étend le caractère productif aux activités artisanales et manufacturières mais limite la production aux biens matériels, refusant l'idée que les services (immatériels) puissent en faire partie. Cette conception restreinte de la production demeurera – en dépit de critiques – celle de l'école classique au xixe siècle et des marxistes. Elle peut d'ailleurs se défendre sur une base pragmatique. Dans la phase initiale d'industrialisation, la production de biens matériels représente l'essentiel de la production et constitue la composante décisive du processus de développement ; les principales activités de services existantes (domesticité, clergé, armée, etc.) apparaissent plus parasitaires que productives.
Le développement des activités de services marchands favorisera l'élargissement du concept de production à certains services – considérés comme des biens immatériels. L'extension ne porte au départ que sur les services marchands : s'ils ne peuvent pas être mesurés en quantité physique comme les biens matériels, le fait qu'ils soient demandés et qu'ils aient un prix prouve leur utilité et permet de leur attribuer une valeur cohérente qu'on peut additionner à celle des biens matériels marchands. Ce faisant, les difficultés d'évaluation des agrégats liés à la production (revenu, épargne, consommation, investissement, etc.), jusque-là négligées, viennent s'ajouter aux problèmes de définition.
La restriction de la production aux seuls services marchands est, dès la fin xixe siècle, remise en question : certains services rendus gratuitement ne sont pas moins utiles que les services marchands et sont, comme ces derniers et les biens marchands, obtenus à partir des mêmes ressources – travail, capital, consommation intermédiaire. Il faut parvenir à traiter cette production non marchande – qui ne passant pas par le marché, n'a donc pas de prix.
L'autoproduction de biens analogues à ceux qui s'échangent sur le marché (l'autoconsommation agricole notamment) ne présente pas vraiment de difficulté, dans la mesure où l'on peut utiliser les prix du marché pour l'évaluer. La production des administrations publiques pose un problème autrement plus délicat : non seulement ces services peuvent rarement être mesurés en quantités physiques mais ils sont difficiles à définir avec précision (que produisent réellement la justice, la police, l'armée, l'enseignement ?) et ils n'ont généralement pas de prix ni d'équivalent marchands. La solution retenue consiste à les évaluer d'après les coûts de production (salaires, consommation intermédiaire, amortissement du capital). Pratique, celle-ci n'est cependant pas homogène par rapport à l'évaluation de la production marchande, avec laquelle la production non marchande est pourtant regroupée dans la détermination du produit intérieur brut. En effet, il n'y a pas d'élément de profit dans cette évaluation par les coûts (ce qui la minore par rapport à une évaluation par les prix de marché) et la variation d'une production non marchande ainsi calculée a une signification toute différente (il suffit d'augmenter les salaires des fonctionnaires pour accroître la production de services des administrations).
L'application du même principe d'évaluation aux organisations privées à but non lucratif (associations) donne des résultats encore[...]
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Écrit par
- Marc PÉNIN : maître de conférences de sciences économiques à l'université de Montpellier-I
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