PROFIT
Exigences d'une explication nouvelle
L'idée selon laquelle, le profit global ayant pour origine la somme des profits individuels, il suffit d'expliquer ces derniers pour comprendre l'ensemble du phénomène est une idée insuffisante et, à la limite, inexacte. On ne comprend pas pourquoi, en effet, la somme des profits réalisés par certains agents n'est pas compensée par la somme des pertes subies par d'autres agents, les pertes désignant, ici, soit les diminutions d'actif net du groupe des titulaires de profit, soit les baisses du niveau de vie des autres groupes sociaux. La question première consiste donc à se demander pourquoi une économie, dans son ensemble, toutes compensations faites, est en mesure de dégager un surplus.
Origines du surplus global
Quatre causes principales expliquent l'existence d'un surplus global dans un système économique donné.
La cause originelle tient à la productivité du travail de l'homme. Normalement, cette productivité est telle que, physiquement, la quantité de biens produits dépasse les quantités de biens consommés aux fins de production. Cela coïncide avec ce que J. Ullmo appelle l'« enrichissement » d'une collectivité, l'une des sources du profit pour cet auteur. Cet enrichissement correspond à une « plus-value collective » et on pourrait l'attribuer à un « surtravail d'ensemble ». Si cette plus-value collective est un fait d'observation constante, il n'est pas obligatoire qu'elle se concrétise sous forme de biens de production. Elle peut prendre des aspects très divers tels que la création de biens affectés à des usages religieux (temple, sacrifices), à des consommations ostentatoires, bref des utilisations qui n'ont pas pour fin la reproduction des biens.
Lorsque cette plus-value collective prend la forme de biens de production, c'est-à-dire d'investissements, on rencontre, alors, une seconde source du surplus global ou plus exactement, cette fois-ci, de son accroissement : il s'agit de l'accumulation capitalistique. Depuis l'analyse de Böhm-Bawerk, il est reconnu que l'accumulation, comprise comme l'allongement du détour de production, augmente la productivité du travail. Généralisant ce point de vue, les auteurs modernes (J. Robinson, par exemple) reconnaissent que l'accumulation est à la source de la croissance économique, et donc à l'origine de l'augmentation de la plus-value collective.
En outre, les théoriciens modernes soulignent que l'investissement véhicule le progrès technique. Le simple remplacement du capital existant se fait rarement à l'identique, du point de vue qualitatif. Le progrès technique apparaît, dès lors, comme la troisième cause à l'existence d'un surplus global. La présence de ce progrès technique pose inévitablement le difficile problème du « partage des fruits de l'expansion ». En effet, si les innovations ont pour source le travail humain, elles s'incorporent, le plus souvent, au capital, et l'on saisit aussitôt toute la complexité d'un partage satisfaisant des gains de productivité. Même si le traitement économétrique en est beaucoup plus délicat, il faut reconnaître, d'ailleurs, qu'une fraction du progrès technique s'incorpore directement au travail. L'accroissement du niveau des connaissances dans une population, l'augmentation du degré de qualification professionnelle, ce que l'on a appelé le learning by doing (apprentissage par la pratique, c'est-à-dire progrès de la productivité du travail due non pas à des investissements nouveaux, mais à l'habitude de se servir de l'équipement existant), toutes ces raisons font qu'il conviendrait de tenir compte de « générations » de travailleurs de plus en plus productifs, comme il est tenu compte de générations de capitaux également[...]
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Écrit par
- Jacques LEBRATY : maître de conférences agrégé à la facul-té de droit et des sciences économiques de Nice, directeur du département des techniques de commercialisationde l'Institut universitaire de technolo-gie de Nice.
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