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PROGÉNITURE, éthologie

L'attrait exercé par le nouveau-né chez les primates

Établissement du lien parental

L'enfant, par sa seule présence, détermine le groupe à prendre soin de lui. En effet, si la mère ou même les autres femelles s'occupent des très jeunes singes, le reste du groupe ne s'en désintéresse pas. On a appelé « tantes » les femelles nullipares ou non prégnantes qui s'approchent de la mère qui vient d'accoucher et de son enfant, et essaient de toucher ou de saisir l'enfant. Sauf dans quelques rares espèces, la mère ne le permettra, dans une certaine mesure, que lorsque l'enfant sera un peu plus vieux. Les mâles adultes sont également très intéressés par les enfants.

Juste après la naissance, le jeune singe est, comme chacun sait, infiniment plus actif que l'enfant humain dès sa naissance. Il présente très vite des mouvements d'exploration du corps de sa mère et cherche à s'accrocher à elle. En outre, Sackett a montré que, par exemple, le jeune rhésus, même quand il a vécu isolé, préfère les animaux de sa propre espèce aux autres singes, et même les femelles aux mâles.

Le comportement de la femelle vis-à-vis de l'enfant nouveau-né est centré sur le petit dont elle s'occupe à peu près exclusivement pendant les premiers jours. Lorsque l'enfant commence à marcher, pendant la première semaine de sa vie, la mère peut s'en écarter, puis émettre, en lui faisant face, des claquements spéciaux des lèvres qui paraissent déterminer l'enfant à se diriger vers elle.

L'enfant peut compenser par son propre comportement les déficiences du comportement maternel. Dans les terribles expériences de Harlow, les « mères sans mère » (motherless mothers), élevées dans l'isolement complet, montrent une très grande difficulté à accepter la copulation. Quand cette dernière s'est néanmoins effectuée et que le petit est né, elles le repoussent d'une manière persistante s'il veut atteindre les mamelons et téter ; elles essaient même de lui écraser la tête contre le plancher de la cage ; toutefois, certains enfants continuent assez longtemps leurs tentatives pour réussir, et le comportement de leur mère devient alors à peu près normal. Une exception : les « mères sans mère » n'acceptent pas du tout l'enfant né par césarienne, même quand c'est leur second enfant et qu'elles ont fini par réagir correctement au premier, alors que les guenons normales ne font pas de difficultés à accepter leur petit né par césarienne. Il faut noter aussi que les enfants nés par césarienne sont moins actifs et vocalisent moins que les enfants nés par voie naturelle.

On sait depuis longtemps que les hormones agissent sur le comportement maternel, mais elles ne sont pas les seules à jouer ce rôle : l'expérience qu'a la mère de vivre avec l'enfant est peut-être aussi importante. Par exemple, Sackett et Ruppenthal (1974) constatent que des femelles séparées de leurs enfants de moins de deux mois préfèrent un enfant très jeune à un subadulte ou à une femelle, et cette préférence se maintient pendant une semaine dans le cas où ces femelles ont vécu au moins deux semaines avec leur petit : il semble donc que les facteurs hormonaux cessent d'agir rapidement après la naissance, et que l'expérience de l'enfant doive les suppléer très vite.

Babouins - crédits : Manoj Shah/ The Image Bank/ Getty Images

Babouins

D'ailleurs, les femelles en général préfèrent les singes nouveau-nés aux subadultes et aux adultes, même en dehors de leur phase de reproduction : les hormones viennent seulement exciter et développer une tendance qui existait déjà. Phénomène plus étrange : il arrive même que des jeunes orphelins soient adoptés par des mâles : on l'a vu chez les babouins et les chimpanzés.

Force du lien parental

Des mères tendant dans leurs bras le cadavre momifié de leur enfant mort depuis[...]

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Écrit par

  • : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne

Classification

Média

Babouins - crédits : Manoj Shah/ The Image Bank/ Getty Images

Babouins

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