PROGÉNITURE, éthologie
La reconnaissance chez les primates
La mère macaque reconnaît son enfant dès l'âge de 13 jours. On le savait mais on admettait que le jeune ne reconnaît pas sa propre mère avant l'âge de 7 mois. Or, dans ces expériences, le couple mère-enfant était élevé en dehors de la troupe des singes, si bien que les enfants n'avaient pas l'occasion de s'exercer aux comparaisons. Plus tard, Rosenblum et Alpert ont présenté des individus de différentes sortes à de jeunes singes dans des conditions plus naturelles permettant la comparaison. Ils constatent alors que les jeunes ne reconnaissent guère leur mère avant trois mois ; mais que, à 12 semaines, ils préfèrent nettement leur mère à une étrangère. Il existe une très curieuse différence relative au sexe. À tous les âges, à partir de 7 semaines, les jeunes femelles manifestent plus que les jeunes mâles leur préférence pour leur mère. De même, dès la douzième semaine, elles évitent davantage un adulte étranger, alors que le comportement d'évitement de l'étranger n'est pas apparent pendant la première année chez les jeunes mâles.
Les stimuli qui permettent de reconnaître la mère sont certainement visuels mais ils sont aussi auditifs. Des jeunes rhésus séparés de leurs mères à 16 mois réagissent différemment quand on leur fait entendre les vocalisations de leur mère ou d'une mère étrangère : ils poussent davantage de cris « cou » « cou » « cou » et se déplacent davantage. Mais les stimuli olfactifs doivent aussi jouer un rôle. Kaplan et ses collaborateurs, travaillant sur le singe écureuil, montrent que les stimuli olfactifs sont essentiels dans la reconnaissance de la mère et qu'ils permettent même une reconnaissance plus facile que les stimuli visuels (tout au moins chez cette espèce).
Plus tard Sackett (1977) s'est rendu compte que la reconnaissance d'après photo pouvait parfaitement s'effectuer chez les macaques : les mères peuvent parfaitement reconnaître leur propre enfant et le distinguer d'autres enfants du même âge ou d'un âge différent ! L'enfant peut en faire autant, mais pas avec autant de précision, même quand il est parfaitement capable de retrouver sa propre mère dans le terrain de jeux. Mais Rosenblum et Paully (1980) se sont aperçus que les petits reconnaissaient leur mère lorsqu'on leur projetait un film en couleurs.
Le rang maternel détermine étroitement le rang social d'un macaque : il se trouve juste au-dessous de la mère pour les femelles, qui restent toute leur vie dans le groupe maternel. On obtient ainsi un ensemble de matriarchies où chaque groupe matriarcal domine les individus de la matriarchie voisine et de rang inférieur. Quant aux jeunes mâles, ils ont aussi un rang juste inférieur à celui de leurs mères jusqu'au moment de la maturité : ils quittent alors la troupe pour se joindre à une autre et deviennent « hors caste » pour une période plus ou moins prolongée.
Les enfants des femelles dominantes bénéficient d'un traitement de faveur de la part de toute la troupe : ils sont l'objet de moins de menaces, et ils montrent plus rarement un comportement de soumission. Au fond, le jeune acquiert son rang à cause du traitement différent dont il est l'objet de la part des autres, et cela depuis la naissance. S'ils en arrivent à se battre, les enfants des femelles dominantes sont plus souvent vainqueurs que les enfants de femelles subordonnées.
Mais le plus étonnant est que le rang maternel a une influence sur la viabilité et sur le succès dans la reproduction. Au cours d'observations qui ont duré dix ans, et qui ont porté sur les rhésus sauvages de Porto Rico, Drickamer (1974) a constaté que les femelles de haut rang sont plus nombreuses que les femelles subordonnées à donner naissance à un enfant chaque année, que les enfants issus de femelles[...]
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Écrit par
- Rémy CHAUVIN : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne
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Média
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