PROGÉNITURE, éthologie
La séparation chez les primates
Les conséquences en ont été magnifiquement étudiées par l'école de Harlow, dont on rappellera brièvement les conclusions : les jeunes macaques isolés strictement dès la naissance dans des enceintes opaques manifestent d'abord une phase de détresse caractérisée par des vocalisations et des mouvements spasmodiques, puis une phase de dépression avec immobilisation presque complète dans un coin de l'enceinte. La guérison de ces symptômes par réunion à la mère peut être plus ou moins difficile suivant la longueur de la phase de séparation ; des désordres du comportement social peuvent s'ensuivre, parfois très graves et difficilement réversibles. Partant de là, les chercheurs se sont vite rendu compte que toutes les espèces de macaque ne présentaient pas les mêmes symptômes au même degré : certains ne réagissent que peu à la séparation, et ce sont les espèces où les soins maternels ne sont pas exclusifs, où la mère prête volontiers son enfant aux autres femelles. D'autre part, ils ont observé que, chez une même espèce de macaques où la séparation est grave pour l'enfant, le degré de gravité dépend du type de rapports existant entre la mère et l'enfant. Certains enfants sont rejetés par leur mère (les mères sans mère, par exemple) et se donnent un mal infini pour être acceptés : ceux-là souffriront beaucoup de la séparation ; en revanche, les petits qui ont avec leur mère un type de relation moins étroit ne présenteront pas des perturbations aussi graves (Hinde et Spencer Booth, 1970).
Dans ces expériences il n'est pas nécessaire d'ailleurs que le jeune soit complètement isolé de sa mère ; elle peut être présente mais inaccessible, dans une cage grillagée par exemple : les symptômes de la séparation sont chez le petit tout aussi spectaculaires.
Enfin, on a essayé d'étudier les perturbations comportementales dues à la réunion après la séparation : elles sont compliquées, car la mère qui a été séparée du troupeau doit s'y réadapter, ainsi que son petit ; cela modifie ipso facto les rapports de la mère et de l'enfant.
L'école de Harlow a pratiqué l'élevage entre jeunes singes du même âge (Peer groups), mais en l'absence de la mère. On a constaté d'abord qu'un grand nombre des conséquences dramatiques de l'isolement étaient ainsi évitées ; certains auteurs, au début de ces expériences, écrivaient même qu'elles étaient toutes évitées et qu'il était préférable de maintenir les jeunes avec leurs petits compagnons plutôt qu'avec leur mère seule. En réalité, les petits élevés avec des jeunes de leur âge présentent différents troubles du comportement. Par exemple, le réflexe d'agrippement, qui joue aussi vis-à-vis de la mère, se maintient bien plus longtemps que la normale, ce qui inhibe le développement des jeux sociaux normaux : les petits restent un temps excessif cramponnés les uns aux autres. Il faut cependant prendre en considération l'importance du groupe de jeunes ainsi formé : Chamove et ses collaborateurs (1973) ont découvert que des jeunes élevés par groupes de deux présentaient un comportement sexuel ultérieur anormal ; alors que, élevés par groupes de quatre, ils ne souffraient d'aucune perturbation sexuelle. Le jeu, parmi ces groupes de quatre jeunes ou davantage, est très développé ; la présence d'une mère le restreint quelque peu, et celle d'un adulte étranger bien plus encore.
Mais l'influence des adultes peut être plus subtile suivant Coe et Rosenblum (1974), tout au moins chez les singes écureuils qu'ils ont étudiés : ces singes ont l'habitude de se regrouper par sexes, mais ils ne le font que si un adulte est présent parmi eux. Les adultes pourraient ainsi, par leur présence, et sans qu'ils agissent d'une manière bien visible,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Rémy CHAUVIN : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
COMPORTEMENT ANIMAL - Fondements du comportement
- Écrit par Dalila BOVET
- 2 830 mots
- 5 médias
...des soins parentaux qui sont observés non seulement chez les mammifères mais également chez certains poissons et oiseaux. Elle est notamment liée aux comportements de nourrissage et de couvaison. L'ocytocine et la vasopressine sont parfois appelées « hormones de l'attachement » : elles favorisent les... -
COMPORTEMENT ANIMAL - Développement du comportement
- Écrit par Dalila BOVET
- 3 931 mots
- 2 médias
Chez les insectes, les individus passent par un stade larvaire au cours duquel leur morphologie et, donc, leur comportement peuvent être totalement différents. Quoi de commun entre une chenille rampant et se nourrissant de feuilles et le papillon qu'elle deviendra, qui vole et se nourrit de nectar...
-
COMPORTEMENT ANIMAL - Communication animale
- Écrit par Dalila BOVET
- 4 010 mots
- 7 médias
...d'autres ou que le mâle et la femelle du manchot empereur sont capables de se retrouver au milieu de groupes pouvant compter des milliers d'individus. Les cris des jeunes stimulent les soins des parents : les oisillons des espèces nidicoles crient pour être nourris ; les plus affamés crient plus fort... -
COMPORTEMENT ANIMAL - Comportement reproducteur
- Écrit par Marc THÉRY
- 3 843 mots
- 5 médias
...d'appariement. Par exemple, alors que les mammifères mettent bas des jeunes à un stade de développement avancé, les oiseaux pondent des œufs juste fécondés. L'investissement des parents dans la reproduction et l'élevage des jeunes ne peut être avantageux que s'ils peuvent s'assurer de l'apparentement des jeunes... - Afficher les 7 références