PROGÉNITURE, éthologie
Le problème de l'attachement
On a utilisé de bien des façons le terme d'attachement mais son sens principal a trait au type de relation qui s'établit entre parents et enfants. Pour l'éthologiste, l'attachement est lié à la proximité entre deux individus, proximité qui tend sans cesse à se rétablir : de la part du jeune éloigné de sa mère, le rétablissement du contact est sollicité par le regard tourné vers la mère, par des vocalisations et par l'agrippement à la fourrure de la mère et la forte résistance manifestée envers qui veut le détacher. Gubernick propose comme critères d'attachement les comportements suivants :
1. préférence pour un individu par rapport à un autre ;
2. tentatives pour s'en rapprocher ;
3. réactions à une séparation brève d'avec cet individu ;
4. réactions à une séparation prolongée ;
5. réactions à la réunion après ces séparations ;
6. utilisation de cet individu comme base de départ pour explorer le milieu avoisinant.
Tous ces critères peuvent d'ailleurs être appliqués à l'individu parental, à part (6). En ce qui concerne (1), les études manquent souvent d'une précision indispensable : on néglige d'habitude de comparer le comportement du petit vis-à-vis de sa mère avec son comportement vis-à-vis d'un étranger, familier et non familier. La mesure de (2) n'est pas non plus tellement aisée, car le type de proximité recherchée dépend de l'âge : c'est seulement chez le très jeune singe que la recherche de proximité implique l'agrippement. Même la réaction à la séparation (3), pour violente qu'elle puisse être, n'est pas forcément un critère d'attachement au sens où nous l'entendons : en effet, la mère fournit à son petit divers stimuli physiques, comme la chaleur, et plus que probablement une certaine odeur dont la privation brutale déclenche chez le petit des réactions physiologiques d'inconfort et même des réactions hormonales (v. plus loin). Une des conséquences les plus nettes de l'attachement est la défense du jeune contre ses congénères ou contre divers dangers par les singes qui s'occupent de lui, qu'il s'agisse de sa mère ou de ses « oncles » ou de ses « tantes ». Cette défense du jeune a été signalée par divers primatologues de terrain, mais elle a été peu employée au laboratoire comme test de l'attachement.
Ces quelques réflexions illustrent combien ce thème, pourtant bien exploré, notamment par l'école de Harlow présente encore d'incertitudes.
Diverses recherches (Gurski, 1977) montrent qu'il n'existe pas de « lien du sang » indépendant des circonstances : chez les singes et chez les souris, lorsque le jeune reçoit les mêmes soins de sa mère ou d'une étrangère, il ne manifeste aucune préférence. On a prouvé la gravité des changements hormonaux induits par la séparation du petit d'avec sa mère (Hennessy et coll., 1979) : la rapidité des battements du cœur est affectée, ainsi que la température du corps et que le taux de sommeil paradoxal. Le cortisol du plasma augmente, ce qui correspond à une augmentation de la vigilance. Le taux de cortisol permet même d'étudier les nuances de l'attachement : par exemple l'augmentation du cortisol est bien plus marquée si on sépare un enfant de sa vraie mère que si on le sépare de sa « mère de remplacement », en l'occurrence d'une vague poupée fixée à un bâti métallique (bien que cette mère de remplacement suffise à le tranquilliser quand il est séparé de sa mère). Et pourtant les réactions extérieures de détresse, lors de la séparation d'avec la mère, ou lors de la séparation d'avec la mère de remplacement, ne diffèrent pas sensiblement... Même lorsqu'un enfant est séparé de sa mère mais reste en contact avec un « oncle » connu de lui, son comportement peut ne[...]
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Écrit par
- Rémy CHAUVIN : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne
Classification
Média
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