- 1. Le transfert d'information génétique au sein de la cellule
- 2. Rôle des facteurs de transcription
- 3. Autres niveaux de régulation de l'expression des gènes
- 4. Exemple de différenciation contrôlée par le contexte extracellulaire
- 5. Le programme de développement d'un organisme entier
- 6. Les modifications du programme
- 7. L'ambiguïté de la notion de programme
- 8. La reprogrammation
- 9. Bibliographie
PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT D'UN ORGANISME
Le programme de développement d'un organisme entier
L'étude de l'induction mésodermique et de la différenciation musculaire nous révèle que la différenciation procède par étapes et que le passage par une étape est indispensable pour que l'étape suivante se déroule : la différenciation de l'ectoderme et de l'endoderme est nécessairement préalable à l'induction mésodermique, laquelle est à son tour un préalable à la différenciation des myoblastes à partir desquels seront générées les cellules musculaires. En clair, le passé d'une cellule conditionne son devenir. Il apparaît donc d'un grand intérêt de pouvoir connaître la filiation d'une cellule.
De par sa petite taille (1 mm) et sa transparence, qui permet de voir les cellules directement sur l'individu vivant, le nématode Caenorhabditis elegans se prête idéalement à l'étude de la différenciation en relation avec la filiation des cellules. Les individus hermaphrodites sont très exactement constitués de mille quatre-vingt-dix cellules somatiques. La filiation de chacune d'entre elles a été précisément décrite : on connaît parfaitement ses sœurs, ses parents, ses grands-parents... Ces travaux ont permis de montrer que, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, toutes les cellules d'un même type ne dérivent pas d'un seul et même ancêtre. Généralement, elles tirent leur origine de plusieurs cellules souches qui, bien que situées dans différentes zones de l'embryon, s'engagent dans la même voie de différenciation. À l'inverse, des types cellulaires différents, comme certains neurones et les cellules musculaires, sont issus de précurseurs apparentés qui ont donc exprimé un programme génétique d'abord commun puis divergent.
Le temps de génération de Caenorhabditis est très court : trois jours seulement, ce qui a favorisé l'isolement de très nombreuses mutations. Aujourd'hui, environ huit cents gènes ont été identifiés par mutation pour un nombre total estimé seulement à trois mille. Parmi les huit cents gènes actuellement connus dans cette espèce, on a pu identifier des gènes qui contrôlent le développement et pu comprendre que les cellules procèdent par choix binaires discrets : se diviser ou non, s'engager ou non dans une voie de différenciation, mourir ou non. L'engagement dans une voie de différenciation se fait progressivement, également par choix binaires successifs. Ainsi, quand une certaine catégorie de gènes de développement est mutée, on observe simplement le remplacement d'une ou de quelques cellules par un autre type cellulaire. Ce résultat indique que ces gènes interviennent tardivement dans la différenciation. Au contraire, la mutation d'une autre catégorie de gènes de développement entraîne le changement d'une branche entière de l'arbre généalogique, ce qui démontre que ces gènes interviennent dans des choix précoces. D'autres mutations encore induisent un blocage total d'une voie de différenciation, ce qui se traduit par le fait que, dans une filiation, les cellules continuent à se comporter comme le faisaient leurs parents et grands-parents et que leur descendance se comportera toujours de la même façon. Inversement, certaines mutations accélèrent la différenciation, et, comme les cellules différenciées ont généralement une faible capacité à se diviser, il en résulte que l'adulte est formé prématurément et qu'il est anormalement petit.
Caenorhabditis elegans permet également d'estimer les parts respectives du génome et de l'environnement dans le passage d'une étape de différenciation à une autre. En effet, on peut détruire une unique cellule en utilisant un faisceau laser très fin et observer la façon dont les cellules voisines se développent. Le résultat est que la plupart des cellules[...]
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Écrit par
- Corinne ABBADIE : docteur en biologie du développement de l'université de Paris-VI, maître de conférences à l'université Lille I
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Média