PROGRÈS TECHNIQUE
Les techniques ne sont plus « le » progrès
En France, au cours des années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, se crée non plus un mouvement d'intellectuels mais une véritable classe sociale, une intelligentsia, qui se retrouve dans une vision du monde fortement teintée d'anticapitalisme et d'antiaméricanisme. La guerre a apporté le triomphe de l'Amérique, de son mode de vie, de sa puissance technique, de sa consommation, mais s'agit-il là de progrès ?
Les intellectuels français des années Sartre réprouvent à la fois les techniques et les grands groupes industriels américains qui représentent ce que le monde moderne comporte de mauvais et de destructeur. À cette méfiance a priori vis-à-vis d'un système technique, par ailleurs largement ignoré par l'université, les films de Jacques Tati, dont Mon Oncle (1958) ou surtout Play-time (1967), apportent une caution populaire, et l'on rit avec bonne conscience des embouteillages, des tubes néon, de l'électronique, des buildings, des usines-modèles ou des cuisines fonctionnelles.
Sur fond de croissance économique, beaucoup d'intellectuels de l'époque se contentent, pour soutenir leur dénonciation des abus du monde du travail, d'un amalgame rapide entre l'entreprise, le patron exploiteur et les techniques elles-mêmes. Cette dénonciation apporte sa pierre, après mai 1968, à un mouvement de conversion à une « vraie vie » : le retour à la campagne (le Larzac, à l'époque) et aux outils anciens, là où le macramé et la poterie, la cuisson directe du pain et la culture des légumes « bio » déterminent, avec précision, le champ de tolérance des techniques alors reconnues comme « douces ». On reconnaîtra cependant que, de cette méfiance de principe vis-à-vis des techniques, naîtra, importée des États-Unis, l'écologie qui, pour la première fois, jette les bases d'une véritable réflexion philosophique et politique sur les techniques, leur bien-fondé et leurs limites, mettant aujourd'hui les techniques au cœur même du débat philosophique.
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Écrit par
- Clive LAMMING : docteur en histoire, professeur agrégé hors classe, lauréat de l'Académie française
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