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PROHIBITION DE LA FORCE ARMÉE (DROIT INTERNATIONAL)

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La règle de la prohibition de la menace ou de l’emploi de la force armée offre peut-être la plus évidente illustration des profondes ambivalences qui caractérisent le droit international public en tant qu’ordre juridique. D’une part, la décision d’entrer en guerre constitue le cœur des prérogatives d’un État souverain, au point que l’on considère parfois que toute tentative de la réguler serait illusoire. La pratique, qui se traduit par un nombre incalculable d’interventions militaires, semble plaider en ce sens. D’autre part, le droit international moderne est tout entier fondé sur le principe de non-intervention, qui implique à tout le moins qu’il est théoriquement interdit d’envahir, d’occuper ou d’annexer un État. D’ailleurs, lorsqu’ils décident de recourir à la force, les États ne remettent en général pas frontalement en cause l’existence de ce principe, même s’ils ne le respectent pas toujours dans les faits.

Pour tenter de surmonter cette apparente contradiction, le régime établi en 1945 par la Charte des Nations unies – qui institue l’Organisation des Nations unies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tout en énumérant les principes fondamentaux du droit international – associe une prohibition de principe de l’usage de la force armée à la reconnaissance d’exceptions rigoureusement définies. Toutes contradictions n’en disparaissent pas pour autant. Tout en ne remettant pas en cause le principe de prohibition en tant que tel, ces contradictions sont à la fois relatives à l’identification des exceptions juridiquement admises et à leur interprétation dans des cas particuliers. Quatre justifications sont régulièrement avancées par les États pour légitimer leurs interventions militaires : le consentement de l’État sur le territoire duquel a lieu l’intervention, l’autorisation du Conseil de sécurité, la légitime défense et le « droit d’intervention humanitaire » – ces deux derniers motifs étant l’objet de débats particulièrement aigus.

Le consentement de l’État sur le territoire duquel a lieu l’intervention

En application de l’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations unies, « [l]es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies ». Comme l’indique ce paragraphe, la prohibition vise l’emploi de la force d’un État contre un autre État. A contrario, ce paragraphe ne s’applique pas à l’usage de la violence à l’intérieur d’un État, qui relève des pouvoirs souverains de ce dernier. De même, l’article 2, paragraphe 4 ne s’oppose pas à la coopération militaire entre États, y compris pour mettre fin à des activités criminelles, terroristes ou séditieuses. En suivant cette logique, une opération militaire menée à la demande d’un gouvernement ne constitue pas une violation de l’article 2, paragraphe 4 de la Charte, ce dernier n’ayant tout simplement pas vocation à s’appliquer en semblable situation.

Plusieurs questions d’interprétation se posent toutefois dans la pratique.

D’abord, pour être recevable, le consentement de l’État sur le territoire duquel a lieu l’intervention doit être formulé en respectant certaines conditions : il doit être antérieur à cette intervention, clairement (sans pour autant qu’un écrit soit exigé) et spécifiquement exprimé (et non accordé de manière générale, dans un traité, par exemple). En outre, il peut être, à tout moment et sans forme particulière, révoqué (cf. Commission du droit international [CDI], articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, 2001). Ces conditions sont assez largement admises mais peuvent susciter des controverses[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit international public, université libre de Bruxelles, Belgique

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Médias

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