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PROHIBITION DE LA FORCE ARMÉE (DROIT INTERNATIONAL)

Article modifié le

La légitime défense

L’article 51 de la Charte des Nations unies précise expressément qu’« aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ». Ainsi, tant que le Conseil de sécurité n’a pas pris de mesures pour y mettre fin, une agression armée donne le droit à l’État victime non seulement de se défendre lui-même, y compris en menant des actions militaires sur le territoire de l’État agresseur, mais aussi de se faire aider par ses alliés (y compris, on l’a vu, par le biais d’organisations régionales créées à cette fin telles que l’OTAN, l’Organisation des États américains ou l’Union africaine). Personne n’a jamais contesté ce « droit naturel » qui est très souvent invoqué par les États recourant à la force, pratique qui – de multiples exemples l’attestent – donne cependant lieu à de vifs débats juridiques.

La question de la légitime défense « préventive »

Certains États se sont parfois prévalus de la possibilité d’invoquer une légitime défense préventive, destinée non seulement à repousser une agression en cours mais aussi à juguler une menace parfois qualifiée d’« imminente ». La « guerre préventive » a ainsi été évoquée, plus ou moins explicitement, par Israël pour mener la guerre des Six Jours en 1967 ou pour conduire une opération militaire visant un réacteur nucléaire en territoire irakien en 1981, également par les États-Unis pour déclencher une guerre contre l’Irak en 2003 (guerre supposée mettre fin à la menace qu’auraient représentée des « armes de destruction massive »), ou encore par la Russie pour justifier son invasion de l’Ukraine en 2022 (en raison, a prétendu le président Poutine, d’une menace qui aurait pesé sur son pays du fait de l’expansion de l’OTAN).

Cette pratique a cependant fait, pour chacun des précédents mentionnés, l’objet de vigoureuses critiques fondées sur la Charte des Nations unies. Comme on vient de le mentionner, le texte de son article 51 est clair : il n’ouvre le droit de légitime défense que « dans le cas où un Membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée », et non en cas de simple menace. Le choix de cette formule restrictive n’est pas fortuit : l’argument de la menace (y compris « imminente ») avait été invoqué par les puissances de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale – par l’Allemagne nazie lorsqu’elle a envahi la Belgique et les Pays-Bas (prétendument pour empêcher une attaque française qui se serait déployée à travers le territoire de ces États) et par le Japon quand il a attaqué Pearl Harbor (officiellement pour empêcher les avions qui y étaient stationnés de l’attaquer). C’est donc en toute connaissance de cause que les membres des Nations unies ont fait la distinction entre une menace, qui donne compétence au Conseil de sécurité pour autoriser une action militaire, et une authentique agression armée, qui permet à l’État victime de se défendre sans attendre.

Cependant, ce principe a-t-il encore un sens à l’ère nucléaire, lorsque la riposte à une première frappe risque bien de s’avérer illusoire ? Les États sont-ils condamnés à attendre d’être frappés avant de réagir ? La question est délicate, car permettre à chaque État de décider seul si une menace est suffisamment grave ou « imminente » – terme qui n’a jamais reçu de définition juridique – risque de mener à des abus, déjà observés par le passé. La notion de « légitime défense interceptive » offre une solution équilibrée. En application de l’article 51 de la Charte, la légitime défense naît en cas d’« agression armée », mais[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit international public, université libre de Bruxelles, Belgique

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Médias

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