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PROLÉTARIAT & PROLÉTARISATION

Le prolétariat aujourd'hui

Disparition des travailleurs indépendants, expansion du salariat

L'extension massive du prolétariat en dehors des « classes ouvrières » professionnelles est une constante du développement capitaliste. Successivement, à des périodes différentes selon les pays, la grande industrie et les secteurs de service qui y sont liés ont absorbé l'ancienne classe ouvrière compagnonne, la quasi-totalité des artisans, de nombreux petits patrons, la grande majorité de la paysannerie européenne. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme européen, après avoir quasi achevé la prolétarisation de la paysannerie autochtone, puise ses réserves de main-d'œuvre dans la paysannerie africaine et asiatique, tandis que le capitalisme américain a achevé depuis bientôt cinquante ans la conversion des anciens esclaves agraires en armée de réserve industrielle. En 1906, la France comptait 7 406 000 salariés pour une population active de 20 482 000 personnes, soit 36 p. 100. En 1968, plus des trois quarts de la population active est salariée. Mais de nombreux auteurs, reconnaissant la quasi-disparition des activités « indépendantes », estiment que la part des ouvriers proprement dits régresse depuis quinze ans au profit de ce que l'on appelle les « nouvelles classes moyennes salariées ». La classification de l'économiste Colin Clark, aujourd'hui universellement acceptée, répartit la population active en trois grandes branches d'activité : le secteur primaire, regroupant les activités agricoles, forestières, la pêche et les mines ; le secteur secondaire, incluant l'ensemble de l'industrie et le bâtiment, et un vaste secteur appelé « tertiaire », comprenant les activités de service (commerce, transports, communications...). En 1901, 42 p. 100 de la population active était occupée dans le secteur primaire, 30 p. 100 dans le secondaire, 28 p. 100 dans les services. En 1968, le primaire n'utilise plus que 16 p. 100 de la population active, le secondaire 40 p. 100 ; le tertiaire, par contre, est monté à 44 p. 100. L'ensemble des services tend de plus en plus à s'intégrer au secteur industriel, d'une part en devenant producteur de plus-value et d'autre part en s'intégrant à une machinerie productive supprimant l'autonomie professionnelle.

La prolétarisation des employés

Selon ces critères, la mécanisation et l'automatisation progressives des emplois de bureau sont en train de transformer progressivement le statut social et la conscience sociale du monde des « employés ». Le sociologue suisse Roger Girod, en conclusion d'une enquête déjà ancienne sur « les couches salariées » et centrée sur la distribution entre milieu social des ouvriers et milieu social des employés, était obligé d'admettre « qu'il n'y avait pas une frontière nette entre le milieu « mécanique » et l'autre, mais plutôt une zone de transition. Le progrès technologique tend à rendre certains laboratoires, certains bureaux et magasins de plus en plus semblables à certains ateliers ou entrepôts. Le tour, par exemple, se met à ressembler toujours davantage à la machine comptable, depuis que le premier tend à chaque nouveau perfectionnement à devenir plus automatique, moins bruyant et plus propre et depuis que la seconde est liée toujours plus souvent à un complexe d'appareils à fiches perforées » (Les Couches salariées, 1960). La volonté de ces couches de « s'affirmer » comme « prolétaires » en adoptant les modes d'intervention utilisés par les ouvriers proprement dits a été confirmée non seulement par l'élévation rapide de taux de syndicalisation au cours de ces dernières années, mais aussi par l'utilisation de formes de lutte « illégales » (occupation des locaux, séquestration des directeurs, etc.). Il est vrai que cette prise[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VIII, directeur du laboratoire de sociologie de la connaissance

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