PROLÉTARIAT & PROLÉTARISATION
Transformation du capitalisme et mouvement révolutionnaire
Généralisation
Selon les critères objectifs que les marxistes posaient comme définition du prolétariat (insertion dans l'organisation capitaliste du travail, production de plus-value, insécurité de l'emploi), l'évolution des forces productives abouti, dans les pays développés, à la « prolétarisation » de fait de la majorité de la population. Par ailleurs, l'extension du marché mondial capitaliste à l'ensemble du globe a directement ou indirectement entraîné dans le sillage de la production capitaliste une partie de plus en plus importante des habitants d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. Cette prolétarisation du Tiers Monde se traduit soit par l'apparition de nouvelles puissances capitalistes ayant achevé leur accumulation primitive (Japon, Brésil, Afrique du Sud), soit par la création de pôles industriels utilisant une main-d'œuvre locale, mais relevant directement du capital étranger, soit par l'intégration directe des paysans à des sociétés de production agricoles travaillant pour le compte des pays capitalistes développés. Toutefois, cette irrésistible évolution du monde capitaliste ne s'est pas traduite par une croissance parallèle du mouvement révolutionnaire prolétarien.
Concertation et réformisme
Dans les plus anciens pays capitalistes, la puissance de l'organisation ouvrière a contraint le mode de production capitaliste à élever de manière importante le niveau de vie de la classe ouvrière. Le mouvement socialiste et syndical s'est orienté vers une « concertation » permanente qui ne laisse jamais la lutte de classes se développer jusqu'à ses conséquences révolutionnaires. Le relatif succès du « réformisme » en Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves, puis récemment en Allemagne et en Autriche, la puissance du syndicalisme américain ont fait penser à de nombreux auteurs que la phase aiguë des luttes de classes était désormais dépassée. Le triomphe du mouvement communiste en Russie puis dans la moitié est de l'Europe et en Chine, dans les pays où pour l'essentiel le prolétariat n'était qu'embryonnaire, a, a contrario, permis de mettre en doute l'équivalence établie par les marxistes entre le développement du prolétariat et celui du communisme. Les transformations subies par le système capitaliste, en partie sous l'impulsion des luttes ouvrières, ont modifié nombre de données de la lutte de classes : le succès du réformisme ou du syndicalisme se situe principalement au début du xxe siècle, où la capacité d'organisation de la classe ouvrière a dépassé celle d'un capitalisme encore atomistique. Depuis, le capitalisme s'est organisé, a imposé, y compris par le biais de l'appareil étatique, une relative planification de la croissance qui, si elle n'a pas éliminé les contradictions du système, en a dilué les effets en profondeur et en surface. La lutte de classes connaît plus de guerres de position ou de guérillas que de grandes explosions révolutionnaires. Mais, en même temps, il semble que, chaque fois que bourgeoisie et prolétariat arrivent à coexister pacifiquement dans un État national donné ou une région du globe, ce soit en en faisant payer les conséquences à de nouvelles couches de la population mondiale qui connaissent à leur tour les réactions radicales du prolétariat « classique ». Puis, à leur tour, les limites de la surexploitation atteintes, une onde en retour semble frapper les pays foyers.
Élargissement de la sphère des révolutions
Dès 1878, Engels expliquait le triomphe du réformisme au sein du mouvement ouvrier anglais par le fait que « la classe ouvrière anglaise partageait avec la bourgeoisie les bénéfices du privilège impérial de la Grande-Bretagne ». L'impérialisme britannique a du même coup intégré[...]
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Écrit par
- Serge MALLET : professeur à l'université de Paris-VIII, directeur du laboratoire de sociologie de la connaissance
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