PROPAGANDE
Régimes politiques et répertoires propagandistes
À l'exemple de Harold D. Lasswell dans The Theory of Political Propaganda (1927), certains spécialistes américains de l'analyse politique avaient noté, dès les années 1920, que la diversification et la multiplication des agences spécialisées dans la manipulation du public (« machines politiques », conseillers en relations publiques, journalistes, etc.) contribuaient à l'affaiblissement des démocraties, alors que le travail de propagande dans les régimes autoritaires participait manifestement à une dynamique générale de consentement et au renforcement de ces régimes. Ce constat révèle l'une des principales différences qui distinguent les répertoires propagandistes des régimes démocratiques et ceux des régimes totalitaires ou autoritaires : l'univocité ou la pluralité du travail de propagande. L'une des différences les plus importantes entre ces répertoires est donc l'absence de monopole des moyens de propagande dans les démocraties, et la liberté, au moins formellement garantie, d'activités de propagande diverses et contradictoires. Lorsque des velléités étatiques de limitation des propagandes sont engagées, cette mise entre parenthèse du principe de pluralisme démocratique des convictions intervient de façon locale et temporaire, pour circonscrire une propagande illicite ou immorale du point de vue des règles communément acceptées en démocratie, ou pour renforcer un effort national consenti à la faveur de circonstances particulières, comme les conflits militaires mondiaux par exemple. Par ailleurs, les activités propagandistes en démocratie sont toujours partielles : elles n'ont pas pour finalité de recouvrir ou d'englober l'ensemble des dimensions de la personnalité humaine et elles ne s'en donnent pas non plus les moyens matériels et cognitifs. Il faut enfin relever que, même dans des situations de tension politique en démocratie, les agences d'État spécialisées dans la manipulation des opinions et la facilitation des consentements prennent toujours en compte les demandes et les rationalisations produites par des agences concurrentes. Celles-ci sont le plus souvent neutralisées par des stratégies d'intégration plus ou moins élaborées : les discours de l'adversaire sont repris, transformés, redéployés, adaptés à l'idéologie dominante pour asseoir un consensus politique latent.
Les répertoires totalitaires
Il n'est pas surprenant que ce soient des spécialistes de psychologie qui aient, les premiers, entrepris, d'une manière systématique, l'analyse des conditions et des effets de la propagande comme travail d'État dans les régimes autoritaires et totalitaires. L'ouvrage d'un disciple de Pavlov, le psychologue Serge Tchakhotine, Le Viol des foules par la propagande politique, paru en 1939, entendait ainsi montrer que l'efficacité d'un travail de propagande d'État dans un régime totalitaire repose sur la capacité des propagandistes à satisfaire des prédispositions psychiques primaires – des pulsions combatives, alimentaires, sexuelles ou grégaires. Les dispositifs de propagande totalitaires, qu'ils soient mussolinien, hitlérien ou stalinien sont ainsi explicitement mis en œuvre pour répondre à la pluralité des conditions et des attentes psychiques des sujets auquels il s'adresse.
Dans le cas du nazisme, la propagande d'État du régime, travail conscient et explicite d'élaboration, a pris la forme d'un « plan de campagne » qui intégrait différentes priorités : la différenciation des groupes d'individus à influencer, l'établissement des buts psychologiques à atteindre chez les éléments de chaque groupe, la production d'organes pour accomplir ces actions, la création par ces organes de formes d'action propagandistes, la coordination et le contrôle des divers stades[...]
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Écrit par
- Xavier LANDRIN : chargé de cours en sociologie à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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